16 Mai 2022
Ma chère Elise,
Cependant que je t’écris, François Bayrou intervient sur France Info. Je réalise soudain qu’il a mon âge, comme Mélenchon d'ailleurs. Soixante et onze ans ! Je me souviens qu'il a été ministre de l'Education Nationale, travaillant à l’époque son image, se propulsant sur la tribune de quelque réunion nationale d’inspecteurs comme une rock star sur scène. Je ne l’ai jamais beaucoup aimé. Pas plus à l’époque que ce matin où son ni gauche ni droite est plus partisan que jamais et vise particulièrement la toute jeune coalition des gauches.
De sa part cela ne m’étonne guère. Il continue de jouer le rôle qu’il s’est assigné, sans se rendre compte à quel point monsieur Macron l’a ringardisé.
Ce qui m’inquiète en revanche, ce sont les coups de boutoir donnés à cette coalition par des acteurs politiques locaux qui entrent en dissidence et dérogent aux accords passés par leurs formations politiques au nom de tout un tas de raisons qui, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ne peuvent conduire qu’à une reproduction en miniature de l’affiche du second tour des présidentielles.
Je comprends le problème que pose le parachutage d’un candidat qui ne vivra probablement pas là où il est élu, pour autant qu’il le soit. Il ne fera alors qu’y exercer un mandat sans jamais y être vraiment à portée d’engueulade. Nous avons toi et moi connu de ces mises en scène, dans des cérémonies bien encadrées et largement médiatisées, de personnalités qui y paradent pour bien montrer qu’elles sont là, quand en réalité leur vie est ailleurs. Voilà qui contribue au désamour entre le peuple et les élus dont on pense alors qu’ils font métier de leur mandat et ne sont plus préoccupés que de leur carrière.
Dans ces situations de parachutage, peut-être est-il encore possible de trouver des ajustements. En tout cas je l'espère.
Mais dans bien des lieux où s’organise la dissidence, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Ce ne sont que trop souvent des postures sur fonds de règlements de compte et de luttes pour des rapports de forces bien locaux. Ce n’est pas la première fois. Et tant la droite que la gauche en ont connu leur lot, au fil des élections.
Mais c’est la première fois depuis longtemps en revanche que la gauche a su se ressaisir et se coaliser pour tenter de rééquilibrer un système politique devenu trop présidentiel et une assemblée des représentants de la Nation sans autre consistance que celle du cuir des godillots. Et c’est une faute bien particulière, dans ce contexte, que risquer de l’engluer de nouveau dans des querelles microscopiques.
Ils ont beau jeu ces dissidents de brandir “l’extrémisme” de Mélenchon ou celui de propositions qui sont pourtant, pour beaucoup, sur la ligne de rupture que prônait François Mitterrand, “l’extrémiste” de 1981.
Ils ont beau jeu aussi de dénoncer son ego surdimensionné. Il est vrai qu’à cet égard, Monsieur Mélenchon ne me paraît pas mal doté.
Mais au moins peut-il se targuer d’avoir, lui, relancé une dynamique à gauche. Quant à eux, à l’ego non moins développé mais trop au fond de la scène pour bien capter la lumière, ils ne font que s'évertuer aujourd’hui à la briser.
Bien à toi