23 Juin 2022
Ma chère Elise,
Il s’est enfin exprimé hier.
Tout amidonné, les yeux rivés sur le prompteur, le regard dépourvu de toute empathie, il a parlé.
Il n’était ni plus ni moins groggy qu’avant l’élection, ni plus ou moins ouvert aux discours de ses oppositions, ni plus ni moins distant qu’à l’ordinaire.
Il a bien vu que les Français étaient allés voter pour élire leurs députés, enfin une grosse poignée de Français puisqu’ils se sont abstenus pour une grande part. Mais sa majorité toute relative ne le perturbe pourtant pas. Elle ne fait que lui compliquer quelque peu l’exercice du pouvoir. Cela le concerne-t-il pour autant ? Après tout, semble-t-il penser, c’est aux groupes d’opposition à rechercher les compromis qui seront nécessaires.
C’est que pour sa part, ma chère Elise, il se montre convaincu qu’il n’a été élu que sur son programme. Et que ce programme est donc parfaitement légitimé par les Français.
Jupiter demeure le roi des dieux et sa loi est celle de tous.
La majorité relative que lui concède l'élection législative, d’autant plus relative qu’elle n’est portée en réalité que par un Français sur cinq, lui suggère juste qu'il lui faudra gouverner avec un peu plus de dialogue … Mais sans changer de cap, ce cap pour lequel il se persuade qu'il lui doit son élection.
Quel est-il pourtant et où nous mène-t-il ?
C’est que son programme était loin d’être exhaustif et manquait pour le moins de clarté. Quant à son projet, c’est à dire sa vision de la France et du monde, on ne peut pas dire qu’il l’ait vraiment présenté, ni développé, ni confronté avec les visions des autres candidats. Il était en effet tellement pris par l’Ukraine, la Covid, sa présidence de l’Europe, mais tellement convaincu aussi que le second tour l’opposerait de nouveau à madame Le Pen, qu’il en a refusé tout débat de premier tour et donc toute véritable confrontation d’idées.
Quant au second tour, il lui suffisait d’appeler au front républicain, occultant de nouveau tout débat de fond.
Je sais ma chère Elise que, tout comme moi, tu as voté Macron cette fois-là pour éviter madame Le Pen. Mais ce n’est certainement pas parce que tu partageais sa vision du monde, une vision qu’il exprime peu d’ailleurs dans le discours, sinon de façon sous-jacente ; une vision très libérale, très inégalitaire par essence, et qui ne peut conduire qu’à plus d’inégalités encore ; une organisation économique et sociale qui ne veut reposer que sur une croissance forte et continue, sans que ne soit jamais posée la question de sa légitimité lorsque par exemple elle délaisse le nécessaire pour prendre appui sur l’accessoire.
Le discours de monsieur Macron était vraiment surréaliste hier, qui nous disait que, pour agir dans notre intérêt et celui de la nation, il fallait que l’on apprenne à gouverner autrement. Mais sans que l’on ait vraiment discuté ni tranché la question de ce que sont notre intérêt et celui de la nation.
On change le pilotage avant d'avoir défini la destination du navire. Voilà qui risque de le faire tourner en rond un moment.
Et pendant ce temps, les vigilances météorologiques rouge et orange se multiplient et se renforcent en France et dans le monde.
Sale temps pour naviguer !
Bien à toi
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