20 Juin 2022
Ma chère Elise
Je suis loin d’être certain que ce soit l'arithmétique parlementaire, qu’inspire aux commentateurs la lecture des résultats d’hier, qui ait rendu la France ingouvernable.
Monsieur Macron pourra disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale, dès qu’il aura fait tomber son masque d’Enmêmetempiste ou qu’il l’aura franchement reteinté aux couleurs de la droite. Cela se fera autour d’un pacte de gouvernement bien officiel, ou bien au coup par coup et au travers de tractations plus discrètes, mais qui mèneront au même résultat.
Sans doute devra-t-il pour cela renoncer à quelques symboles d’un pouvoir absolu désormais perdu. Pourquoi pas la présidence de l’Assemblée ? Et peut-être même lui faudra-t-il offrir en gage de bonne soumission quelque tête choisie parmi ses transfuges du premier quinquennat et que le score détonant du rassemblement national sur leur territoire aura particulièrement fragilisés. Quatre députés d’extrême droite, sur cinq élus, constitue par exemple, dans l’Eure, une véritable déroute pour les deux ministres censés tenir le département pour le compte de la Macronie, même s'ils n'étaient pas eux-mêmes candidats,
Mais je crains fort que les difficultés ne se trouvent davantage dans la rue que dans l’hémicycle.
Après que monsieur Macron n’a été élu que par moins de 40% des électeurs inscrits, voilà en effet que sa majorité aux législatives n' est plus soutenue que par un petit 20%. Un électeur sur cinq !
Difficile dans ce contexte, d’imposer des mesures qui seront impopulaires, même avec l'appoint des députés de la droite. Et notre pays sera donc plus que jamais gouverné par les sondeurs, ou au rythme des blocages de route et autres occupations de ronds-points... La sondocratie tenant lieu de démocratie.
Est-ce le chaos qui nous était annoncé, ma chère Elise, et qui mènera notre pays à la catastrophe ?
Sans doute les mois à venir seront-ils très difficiles et peut-être même conduiront-ils dès que cela sera permis, à une dissolution de l'Assemblée nationale ou à des vagues de démissions dans l’exécutif pour tenter de calmer la rue. Et cela ne manquera pas de se répercuter sur les équilibres économiques et sociaux.
Mais le Président de la République peut aussi tenter de rendre à la France le goût du rêve en même temps que celui des urnes ; et proposer dès que possible au référendum une réforme constitutionnelle , comme l'avait tenté avec succès le Général de Gaulle en 1962, ou avec moins de bonheur en 1969.
Commencer ainsi de reconstruire une démocratie aujourd’hui bien abimée, plutôt que se laisser porter ou emporter par le vent, voilà qui aurait du panache !
Mais n'est pas le Général de Gaulle qui veut.
Bien à toi