7 Août 2024
Ma chère Elise,
Je viens de vivre un moment de trêve bien personnelle, fredonnant des comptines, me laissant embarquer dans les jeux de jardin qu’improvise mon petit-fils de quatre ans, ou lui organisant un atelier découpage et collage quand les températures étaient quasi caniculaires.
J’avoue ne pas m’être beaucoup préoccupé des jeux olympiques dont je regarde chaque matin le résultat d’un œil un peu distrait, même si la moisson de médailles qu’engrange la France me fait plaisir. Mais tu sais bien Elise que j’ai toujours aimé me dépenser physiquement sans pour autant me montrer spectateur acharné de l’exploit sportif, ni le rechercher d’ailleurs.
Je lis ici et là que la France aurait réussi l’union sacrée autour de ces jeux et qu’il faudrait s’en inspirer en politique. La comparaison me semble bien osée. Si l’on peut imaginer qu’un bénéficiaire du RSA et un multimilliardaire partagent leur avis sur tel ou tel athlète, je suis loin d’être certain qu’ils puissent partager aussi leurs arbitrages de consommation quand l’un est contraint de consommer pour sa survie, et l’autre libre de le faire pour son bon plaisir. Je crains qu’ils ne partagent de ce fait pas davantage leur vision de l’économie et de la politique.
Ce n’est pas pour autant qu’il faille regarder le centre comme le point d’équilibre, le compromis qui apaiserait le pays. Et je m’inquiète de voir monsieur Macron chercher une alliance en ce sens, avec la droite d’abord, mais pourquoi pas aussi avec ce qu’il reste de la gauche modérée après tous les emprunts qu’il lui a déjà faits.
Je m’inquiète davantage d’entendre des voix, minoritaires encore, au sein du Parti Socialiste qui continuent de demander des clarifications peu claires et qui veulent, sans le dire vraiment, rompre avec une gauche plus radicale. Faire cela, ce serait en effet continuer de rompre avec le peuple du travail posté, du travail précaire, du travail sous-payé, des loyers qu’on ne parvient plus à payer, des vacances qu’on n’a jamais prises et des places pour les jeux dont on aurait bien envie une fois dans sa vie, mais que l’on n’a pas les moyens de s’offrir. Je n’exagère pas, disant cela ma chère Elise. Les gens contraints de compter les centimes, et qui pour certains ont un emploi pourtant, sont plus nombreux qu’on ne croit.
Et eux, c’est la rupture avec cette précarité qu’ils revendiquent, c’est la rupture avec la misère, c’est la rupture avec ces lents, trop lents courants politiques qui les déçoivent élection après élection.
L’extrême droite surfe là-dessus, et se prétend chantre du pouvoir d’achat.
Et ça marche, puisque la gauche dite de gouvernement n’est plus, depuis près de trente ans, une gauche de rupture. Elle a voulu l’être encore en 2012, quand son ennemi était « la finance ». Puis elle s’est assoupie, elle a oublié son ennemi et rendu les armes, presque sans s’en rendre compte, croyant en un Macron providentiel, ni gauche ni droite, juste au point d’équilibre paraît-il, mais ami résolu de « la finance » en réalité. On le voit bien aujourd’hui où nos riches sont plus riches et nos pauvres plus précaires que jamais.
Autant le Rassemblement National se situe indéniablement à l’extrême droite, autant je suis convaincu, Elise, qu’une énorme part des votes qui le portent aujourd’hui, ne sont finalement que des appels à la rupture avec ce centre qu’incarne monsieur Macron. Tout comme l’est une grande part des votes pour le Nouveau Front Populaire et son programme.
Et ce serait, de l’avis de certains de mes amis, le moment de rompre avec la gauche radicale ? De briser l’alliance pour en nouer une autre avec ce centre que les deux-tiers de la France a récusé ?
Du point de vue de ceux qui ont donné sa majorité au NFP, ce serait une trahison. Quant à l’Assemblée nationale, elle ne trouverait alors que des majorités de circonstance par des alliances à dimensions variables. Ce ne serait pas un fonctionnement différent de celui que provoquerait la nomination que je souhaite de madame Castets aux fonctions de Première Ministre, j'en conviens volontiers.
Mais deux réalités seraient radicalement différentes en revanche. La première est que la rupture que demandait la majorité des Français passerait aux oubliettes en même temps que le programme du NFP. L'autre réalité serait que la majorité relative à l'Assemblée appartiendrait désormais au groupe Rassemblement National puisque le Nouveau Front Populaire n’existerait plus ... Un prélude à une prise de pouvoir plus absolue.
Bien à toi
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