18 Février 2025
Ma chère Elise,
J’écoutais ce matin sur France Inter le nouveau président de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) faire la promotion du travail comme étant précisément un vecteur de promotion sociale, et souligner l’intérêt qu’il y aurait à nommer en France, comme l’a fait monsieur Trump aux Etats-Unis, un entrepreneur qui présiderait une commission chargée d’améliorer la dépense publique. C’est en effet un savoir-faire remarquable de l’entrepreneur que d’obtenir mieux avec moins, même si je suis loin d’être certain qu’Elon Musk fasse mieux avec Twitter depuis qu’il l’a rebaptisé X ?
Il n’empêche que l’on ne peut contester l’expérience d’un entrepreneur dans la traque des dépenses inutiles. Il y a même une expression savante pour cela : la recherche de compétitivité. C’est ce qui aura justifié entre autres, il n'est pas inutile de le rappeler, la délocalisation de bien des productions. Il s’agissait alors d’aller produire au moins cher dans des pays où les charges sociales et les salaires étaient moins élevés. Et tant pis pour la promotion du travail comme vecteur de promotion sociale !
La dépense publique a ceci de différent pourtant que son objet n’est pas délocalisable puisqu’elle vise pour une grande part à embarquer tout le monde dans le bateau national ; ou plutôt à faire en sorte que le moins de personnes possible, passagers et matelots, ne passe par-dessus bord. Et s’il en tombait malgré tout, il faut tenter de les repêcher.
Peut-on en la matière faire mieux avec moins ? Je n’en sais rien. Je suppose qu’il y a bel et bien, aux marges, des dépenses étonnantes et qu’incontestablement il faut les supprimer. Mais l’essentiel de la question, ma chère Elise, réside dans la définition du « Mieux ». Qu’est-ce que faire mieux lorsqu’il s’agit par exemple de prendre en charge le grand âge ou, à l’inverse, d’accompagner la petite enfance ? Je ne pense pas en l’occurrence que les scandales d’il y a quelques mois dans quelques crèches ou quelques EHPAD privés plaident pour une gestion entrepreneuriale de la chose publique. Il semble en effet que ces établissements aient prôné des objectifs de réduction de la dépense, dans le champ de leur activité, au détriment de la qualité du service rendu aux personnes (réduction du temps passé auprès de chaque résident ou, sur un plan plus matériel, du nombre de couches…), et qu’au-delà de ces exemples très ponctuels, se cache une véritable question de fond.
Traquer les dépenses inutiles, interroger les dépenses excessives, c’est sans aucun doute nécessaire. La cour et les chambres régionales des comptes ne le font pas trop mal si j’en crois les quelques rapports qu’il m’est arrivé de consulter et dont on aimerait parfois qu’ils soient davantage suivis d’effets. Mais il faut garder en tête que ni l’objectif ni l’horizon du politique ne sont nécessairement les mêmes que ceux de l’entreprise, et que l’on ne peut donc pas définir de façon identique la légitimité de leurs dépenses. Faut-il alors en laisser la responsabilité à un petit Elon Musk ? Je suis loin d’en être convaincu ma chère Elise.
Bien à toi