3 Avril 2018
J’ai partagé récemment sur Facebook cette image d’oranges épluchées et vendues sous emballage plastique. Je crains fort que loin d’être un poisson d’avril, il s’agisse bien de ce qu’on appelle un produit émergent ou peut-être un produit de niche. C’est en tout cas un produit absurde.
Cela crée de la richesse, se défendront les tenants du libéralisme, et puis si cela se vend, c’est qu’il y a une demande. Il faut bien créer des emplois lanceront d’autres tenants du pragmatisme, même si ces emplois vont à la conquête de l’inutile.
Moi, je préfère que ces emplois, on les crée dans les EHPAD par exemple et que ce soit là, au contact des personnes dépendantes que l’on épluche des oranges, devant elles, avec elles, en prenant le temps d’échanger des sourires, en prenant le temps du vivre ensemble.
L’un des traits du libéralisme, c’est précisément de créer de l’accessoire, de l’inutile, du rentable financièrement, sans se préoccuper d’abord du nécessaire si le nécessaire rapporte moins. Mieux vaut pour lui le marché du luxe qui s’adresse à des gens friqués que le marché de ce qui est indispensable à des pauvres qui n’avaient, après tout, qu’à se débrouiller pour être riches.
Et le comble de l’habileté pour ce libéralisme là, c’est de faire en sorte de partager son idéal avec ceux que précisément il a privé du nécessaire.
Il souligne par exemple aujourd’hui les embarras que créent les grèves à la SNCF. Voilà des cheminots, des nantis qui ne voudraient pas renoncer à leurs privilèges et qui bloquent le pays, nous dit-il.
Modernisons l’organisation du transport ferroviaire! En clair confions le à l’initiative privée, serinent nos « pragmatiques macroniens!
Mais est-ce bien ainsi que l’on répondra au nécessaire ? j’en doute pour ma part.
Cette « modernisation » là ne peut mener qu’à deux scénarios. Ce sera la fin de toutes les lignes non rentables et elles sont légions. Ce premier scénario renforcera les disparités territoriales. Ou bien, sur le modèle du plan Haut débit, ce sera la privatisation de ce qui est rentable et le maintien sous une perfusion d’argent public de ce qui ne l’est pas. Voilà qui permettra sans doute aux actionnaires de s’enrichir, mais sans que l’on économise pour autant l’argent public.
L’intérêt privé ne rejoint pas toujours, loin de là, l’intérêt collectif. On le sait pourtant depuis longtemps.
L’intérêt collectif, ce sont des transports sûrs et propres qui irriguent le territoire. L’intérêt privé, ce sont des transports qui rapportent et ce n’est pas tout à fait la même chose.
L’intérêt collectif , ce sont des fruits de saison qui nourrissent et préservent la santé de tous. L’intérêt privé, ce sont des oranges dont on remplacera la peau par une cuirasse de plastique et que l’on vendra en toutes saisons. Et qu’importe leur bilan carbone, les pesticides, leur emballage encombrant et absurde pourvu qu’on leur crée une clientèle et que cela rapporte.