Un petit tour sur le Rubicon

Ma chère Elise,

J’ai laissé les couleurs des étals de Bologne pour retrouver celles, aux parfums différents, du marché de La Madeleine. Me voilà en effet revenu de cette semaine merveilleuse passée en Italie, de Bologne à Parme, de Ravenne à Rimini. Je me suis arrêté à Sogliano aussi, ce gros bourg un peu endormi, posé sur un sommet des Apennins, et où sont nés mes grands-parents ainsi que les deux frères aînés de mon père.

Sogliano al Rubicone. Le Rubicon, ce fleuve que César a rendu célèbre en le franchissant il y a deux millénaires et dont je me demande si je ne vais pas devoir finir par le franchir à mon tour.

 C'est que j'ai le sentiment que le rassemblement de la gauche à Evreux avance bien lentement.

Les choses étaient simples avant que Timour ne renonce.

Evreux-Ensemble, que d’aucuns voudraient limiter aujourd’hui à un petit groupe d’illuminés dont on ne saurait trop ce qu’il représente, était bien reconnu par tous comme l’émanation de ce rassemblement qui s’est soudé en 2020 autour d’un programme résolument de gauche.

Les choses auraient pu rester simples après que j’avais accepté d'y remplacer Timour au pied levé. Tout le monde, ou presque, était plutôt d’accord. Il s’agissait de continuer, d’ajuster la construction du programme et de la liste, d’amplifier une dynamique qui nous permettrait d’entrer en campagne sans attendre les fêtes de fin d’année.

Mais voilà, Elise, c’est le « presque » qui pose problème. Tout le monde ou « presque » … Et moi qui suis « presque » candidat.

Je ne reviendrai pas sur les tribulations de ces dernières semaines et je ne te dévoilerai pas davantage les échanges, bilatéraux comme on dit, avec les camarades des différents partis dont le mien.

Mais la situation finit par être délétère.

Sur l’affaire de Rock In Evreux par exemple, tu te souviens que j’envisageais, dans ma dernière lettre, un signalement à la chambre Régionale des Comptes. Dans mon esprit, c’était Evreux Ensemble qui lançait la démarche. Cela aurait eu du sens. C’était alors toute la gauche rassemblée de 2020, celle qui dénonce les errements du système Lefrand depuis des années, qui aurait porté la riposte.

Au lieu de cela, c’est un parti politique tout seul qui s’est emparé de l’idée, dans l’urgence de surcroît et sans coordination avec les autres formations de Gauche. Il n’était pourtant pas nécessaire de se presser à ce point puisque l’on sait que, de toutes façons, la CRC ne fera rien avant l’élection municipale. J’aimerais croire qu’il s’agit d’une maladresse, mais je crains que ce ne soit plutôt l’un des effets de ce trou d’air que la gauche connaît depuis un mois sur la route de son rassemblement.

J’espère que nous allons tous nous ressaisir, et nous concentrer désormais sur l’essentiel : comment allons-nous répondre aux préoccupations des Ebroïciens et des habitants de l’agglomération ? Comment allons-nous gagner leur confiance pour construire ensemble l’avenir de notre cité et de notre territoire ?

Le reste n’est que cuisine ou arithmétique.

Pour ma part, je veux me tenir prêt à toutes les éventualités. J’ai demandé, pour la campagne à venir, à un ami d’être mon mandataire financier. Il a accepté. Je l’officialiserai dès la semaine prochaine. Je vais également négocier d'ores et déjà avec ma banque les conditions de l’emprunt qui sera nécessaire pour financer la campagne.

Je ne suis encore que « presque » candidat. Mais je tiens à régler vite ces détails pour ne pas perdre de temps lorsque nous sortirons de la cuisine et que nous laisserons abaques et calculettes pour entrer, vraiment rassemblés, en campagne.  Et si nous n’y entrons pas, alors je retournerai peut-être là-bas, sur le Rubicon. Les couleurs y sont si tendres à l’automne.

Bien à toi