Crésus

Ma chère Elise,

Le hasard des notifications facebook, ou son algorithme si tu préfères, ont découvert sur mon mur le classement  “Challenges” des 500 plus grandes fortunes de France. Des fortunes professionnelles bien entendu.

Ce classement, à dire vrai, je m’en moque un peu. Et je n'irai pas plaindre ce pauvre dernier des 500 dont le patrimoine ne serait que de 245 millions d’euros. C’est une somme aussi abstraite que les 190 milliards du premier. 

Le total pourtant est énorme : 1228 milliards d’Euros. J’en suis resté songeur.

500 personnes possèderaient donc à elles seules 61 millions et quatre cents mille années de SMIC. Et d’un Smic que je compte à 1600 euros nets mensuels, un salaire tellement royal qu’on le dit inatteignable sans tuer toute l’économie du pays.

123 000 années de smic en moyenne pour chacune des 500 grosses fortunes. C’est confortable et à leur mort il leur resterait, si un linceul avait des poches, pour détourner le titre d'Horace Mac Coy, quelques dizaines de milliers d'années de ressources

Cela dit, je suis conscient, ma chère Elise, que je compare là des valeurs qui ne sont pas de même ordre. 

Mais, malgré tout, inscrire côte à côte ces chiffres montre bien le fossé qui demeure, et qui grandit d’ailleurs, entre des possédants qui vivent dans leur bulle,  dans l’entre-soi, et qui sont capables de peser sur les décisions des gouvernants mais incapables de mesurer la réalité de la précarité à laquelle sont condamnés des millions de nos concitoyens… Ce qui est le corollaire de leur fortune.

Cela a toujours été, me dit souvent une amie  armée d’une couche bien épaisse de bon sens. Il y a toujours eu des riches et des pauvres. Et puis ils nous donnent du travail. 

Sauf que le travail qu’ils donnent ne correspond pas toujours aux besoins de notre monde, loin de là, et que nos 500 décideurs préfèrent investir dans ce qui leur rapportera le plus plutôt que dans ce qui serait nécessaire à tous. L’industrie du luxe se porte bien par exemple. Mieux en tout cas que la construction de logements accessibles au plus grand nombre et dont il est pourtant bien besoin.Quant à la santé, elle se financiarise de plus en plus. Et les sociétés privées dans ce domaine, que ce soient des cliniques, des laboratoires ou l'industrie pharmaceutique, me paraissent avoir en perspective le profit financier au moins autant, si ce n'est davantage, que le bénéfice en terme de santé.

Alors mon amie me rétorque qu'après tout, le patrimoine qu'ont accumulé ces maxi-riches est le fruit de leur travail.

Moi je t’avoue que je ne vois pas quelle compétence particulière pourrait justifier que quelqu’un possède, même au bout d’une vie d’un labeur intense, 123 000 années de Smic… Pour autant d'ailleurs que ce quelqu’un soit parti de rien, ce qui n'est pas le cas en réalité. Tous ou presque de ces 500 hyperfortunés sont des héritiers. Et leurs enfants le seront après eux … 

J’ai apprécié, Elise, que , de façon plus construite que ce ressenti que je viens de te donner, le Nouveau Front Populaire inscrive ces questions dans le débat politique . Et c’est sans doute l’une des raisons de mon engagement dans la campagne.

Même s’il lui est compliqué, pour ne pas dire impossible, sans une majorité claire, de mettre en oeuvre d’un coup  la totalité de son programme, je veux croire que l’impérieuse nécessité de réduire les inégalités demeurera en arrière plan des débats et des négociations tout au long de la législature.

Bien à toi.

Ps: Aux Etats-Unis, Jo Biden renonce ce soir à maintenir sa candidature. Peut-être le monde va-t-il échapper à la catastrophe que serait l’élection de Trump.