18 Juillet 2024
Ma chère Elise,
André Chassaigne ne présidera donc pas l’Assemblée Nationale. A sept voix près qui se seraient reportées sur lui plutôt que sur madame Braun-Pivet.
Au fond, cela ne m’étonne guère et confirme simplement, une fois de plus, que le centre, ce point d’équilibre auquel veut nous faire croire monsieur Macron, penche bien à droite. C’est-à-dire qu’il s’intéresse davantage au capital qu’aux Hommes et continue de croire (ou juste de faire croire) à la légende du ruissellement: « Enrichissons les riches et leur richesse ruissellera sur les pauvres ». Et c’est pourtant le contraire que nous ont apporté sept années de macronisme au bout desquelles les riches sont plus riches et les pauvres plus pauvres.
Je suis désolé pour André Chassaigne. Je ne le connais pas vraiment. Je n'ai fait que l'entendre quelquefois sur les ondes. Le personnage me plait pourtant. Peut-être parce qu’il a mon âge et que, fils de la classe ouvrière comme moi, il a lui aussi emprunté l’ascenseur social.
La représentation nationale se serait honorée en le choisissant pour son président.
Mais les jeux de la politique sont cruels quand ils se résument aux calculs d’appareils. L’élégance n’y est pas de mise.
Encore que ! ... Me revient un souvenir de 2001.
Nous venions de prendre la majorité au conseil général de l’Eure après des années de domination de droite. J’avais été l’un des Conseillers Généraux désignés pour siéger au conseil d’administration d’un bailleur social départemental. Il s’agissait pour sa réunion d’installation d’en élire le président et nous avions choisi pour candidat Marcel Larmanou, un collègue communiste qui ne manquait pas d’expérience.
Un administrateur de droite dont je n’aurai pas la cruauté de te donner le nom s’est alors présenté contre lui, persuadé de réussir par des jeux d’alliance ou de copinage, à lui ravir cette présidence. Eh bien figure toi Elise que deux Conseillers Généraux de sa mouvance, Françoise Charpentier et Claude Hurabielle, ont clairement refusé de le soutenir dans sa démarche, écœurés de ces petites combines pour remettre en cause une majorité que les Eurois nous avaient donnée.
Une belle leçon d’élégance et de respect du vote républicain. Mais ça, c’était en 2001, c’était à l’échelle d’un Conseil Général. Sans doute les mœurs sont-elles différentes aujourd’hui, et au sein de l’Assemblée Nationale.
Il me paraît inconvenant ce soir en tout cas que madame Braun-Pivet demeure au perchoir.
J’ai pourtant pour elle beaucoup d’estime et je crois qu’elle aura été une présidente de qualité, en tout cas reconnue comme telle, y compris par quelques-uns de ses adversaires. Mais elle représente la continuité, même si elle a pris, semble-t-il, quelques distances avec monsieur Macron. Et les Français, qui se sont massivement déplacés pour la dernière élection législative, ont rejeté cette continuité du macronisme en même temps qu'ils récusaient une extrême droite qui se croyait pourtant déjà à Matignon. Ils ont majoritairement choisi le Nouveau Front Populaire, lui apportant une majorité relative, certes ! Mais une majorité tout de même.
Au point où nous en sommes ce soir, ne reste donc plus à présent à monsieur Macron qu’à imaginer un gouvernement sur la base de cette nouvelle alliance qui reconduit madame Braun-Pivet au perchoir, et en éconduit André Chassaigne. Et sauf si la Gauche parvient rapidement à se mettre d’accord sur une personnalité suffisamment consensuelle pour devenir le prochain chef du gouvernement, cela peut se faire très vite.
Cela reviendrait bien sûr à se moquer de l’avis qu’a donné le peuple au début de ce mois de juillet. Une grande part des électeurs, la plus grande d’ailleurs, a choisi en effet, en votant pour le Nouveau Front Populaire, une forme de rupture. Une autre part, plus petite, a choisi quant à elle, une autre forme de rupture en votant pour les candidats d’un Rassemblement National qui a su se déguiser en agneau le temps d’une campagne électorale.
Mais ils sont bien peu finalement à avoir choisi la continuité du macronisme qui demeure plus que jamais campé sur ses deux jambes droites.
Et c’est pourtant cette continuité-là qui commence de se mettre en place ce soir avec la reconduction de madame Braun-Pivet au perchoir.
Quelles en seront les conséquences ?
Bien à toi