22 Janvier 2018
Si j’en crois Paris-Normandie qui lui consacre tout de même sa première page, j’ai manqué, lors du vernissage de Live Art-Performance, une improvisation artistique aussi marquante qu’éphémère, et que certains qualifient de déplacée, sulfureuse ou pire encore, quand d’autres préfèrent parler d’une prestation déjantée, provocatrice, créative ou mieux encore !
Je n’ai pas d’avis et je ne peux pas en avoir puisque je n’y étais pas.
Ce que j’en ai entendu toutefois ne me séduit pas particulièrement. Mais je n’avais pas non plus toujours été séduit, lors du Festival mondial du Théâtre Universitaire de Nancy au début des années 70, par telle ou telle prestation provocatrice, quand d’autres à l’inverse m’avaient bouleversé.
En revanche, la sortie de l’adjoint à la culture de la ville d’Evreux me laisse pantois.
Il dénonce d’abord l’intervention de Jean-Pierre Brière et Marie Crouail, les deux improvisateurs, comme irrespectueuse envers le public, les artistes, les organisateurs... C’est un point de vue que ne partage pourtant pas le commissaire de l’exposition et artiste invité, Franck Dubois.
Pour ma part, sans me prononcer, je me souviens toutefois que, souvent, l’expression artistique aura été considérée comme « irrespectueuse » par ceux qui voulaient la censurer. On peut remonter au Tartuffe de Molière ou plus récemment aux dessins de Charlie-Hebdo. On peut évoquer l’origine du monde de Courbet ou l’Olympia de Manet…
Ce qui de surcroît me hérisse dans le propos de l'adjoint à la culture au point de me faire réagir, c’est cette flèche, aussi déplacée qu’inutile, qu’il décoche à la fin : « Nous savons à quoi nous avons échappé en décidant l’arrêt des subventions publiques au Méga-Pobec ».
Lorsque la municipalité d’Evreux a décidé, il y a trois ans, de couper les vivres au théâtre du Méga-Pobec, il n’était pas question de provocations, d’irrespect ou de je ne sais quelle rage inventée. Le travail de cette compagnie, dont Jean Pierre Brière et Marie Crouail étaient les chevilles ouvrières, était au contraire reconnu, y compris dans quelques bons échos au festival off d’Avignon. Pour les édiles, il était alors surtout question de gros sous et, comme ce que produisait la compagnie ne ressemblait sans doute pas à leur idéaltype de culture pétri de mystères sur le parvis de la cathédrale, de fêtes de la pomme et de parc d’attraction viking, elle était la victime toute désignée des économies souhaitées.
Je ne sais, au bout du compte, si la prestation de Jean Pierre Brière et Marie Crouail était ou pas « déplacée », c’est-à-dire inadaptée au public présent au vernissage de vendredi soir. Mais je suis sûr en revanche que s’en servir, quelle qu’elle ait été, pour justifier, trois ans après, la mise à mort d’une compagnie de théâtre, c’est, de la part de notre édile culturel, aussi mesquin que malhonnête.