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Lettre à Elise, Coronavirus s'en va voter

Ma chère Élise,

Pardonne moi si je ne te parle que peu d’Évreux aujourd'hui.

J’ai trouvé le Président de la République, drapé dans sa toge de « Père de la Nation » plutôt bon hier soir à la télé, meilleur en tout cas qu’un quelconque Poutine qui tente de son côté de se la jouer « Petit père des peuples » en renouant avec le pouvoir à vie.

Il m’a en outre émerveillé lorsqu’il a sorti de sa hotte une louange du service public, le profond dégoût d’une mondialisation délétère et la promesse d’un virement politique lof pour lof. Je ne suis pas certain pourtant qu’on puisse le croire vraiment. Il risque fort en effet de reprendre la route qui lui est la plus naturelle dès que la vie aura, elle, repris un cours normal.

Mais tout de même, c’était grand, c’était beau et, l’espace d’une soirée, je me suis pris à rêver d’un monde meilleur, d’une France solidaire et qui le resterait, d’un taux de CO2 en berne et qui le resterait, d’un avenir radieux… après le coronavirus bien entendu.

C’est qu’on ne peut pas l’oublier celui-là.

Fermeture des écoles, des crèches, des collèges et des lycées, des universités. Mains lavées dix fois par jour et température vérifiée trois fois. Dispersion des rassemblements de plus de cent personnes. Attention aux vieilles dames et aux vieux messieurs… Prendre soin de ses voisins et garder les enfants des personnels de santé…

Partout !

Le coronavirus se montre partout … Sauf dans les bureaux de vote. Car monsieur Macron n’a pas voulu toucher à l’élection municipale. L’aréopage de scientifiques qu’il a consulté aseptise les bureaux de vote … et le microcosme politique interdit qu’il les ferme et, s’il le faisait tout de même, parle déjà d’un coup d’état.

Voilà une contradiction curieuse. Il met la France en résistance face à l'invasion coronaviraire. Il veut en ralentir la propagation, briser les réseaux de contagion, au point d’interdire un mariage qui rassemblerait plus de cent personnes…  Mais pas une élection qui en mobilise quelques dizaines de millions.

Ces millions-là ne seront pas tous présents en même temps, me diras tu. Et puis voter ne dure que cinq minutes et ensuite on sort. Et puis il suffit que chacun se lave longuement les mains avant d’aller voter et se les lave de nouveau après. Mais ce sera trop souvent un vœu pieux, je le crains.

Et puis, que dire des membres des bureaux de vote qui seront, eux, soumis toute la journée au flux des porteurs de virus potentiels et mitraillés parfois de leurs postillons. A raison de 65 000 bureaux dans le pays, ce sont deux à trois cent mille personnes qui seront concernées.

Il suffit qu’elles soient masquées, me rétorqueras-tu. 

Soit !

Mais au-delà de ces contingences sanitaires quelle est au bout du compte la crédibilité d’une élection à laquelle 28% des Français pensent d’ores et déjà ne pas participer par crainte de contagion? En démocratie, cette question n’est-elle pas au moins aussi importante que le soupçon, que l’on n’aurait pas manqué d’évoquer si l’élection avait été reportée, d’une utilisation par le Président de la République du coronavirus pour éviter le désastre électoral qui attend ses marcheurs?

A la réflexion, je ne suis plus très sûr, ma chère Élise, que monsieur Macron ait été aussi bon hier dans mon poste de télévision.

Maintenir l’élection municipale, c’est en effet maintenir des lieux de contagion qui restent possibles dans le monde réel où le respect des règles sanitaires élémentaires n’est pas universel. C’est aussi prendre le risque d’une élection biaisée par la défection d’un public probablement ciblé puisque ce sont sans doute les personnes les plus fragiles qui hésiteront à venir jusqu’aux urnes... Et c’est de surcroît prendre le risque de compliquer sérieusement les tentatives d’organisation de ce petit chaos que ne vont pas manquer d’impliquer les fermetures des crèches et des écoles ainsi que les diverses restrictions.

Sur qui, en effet, s’appuyer localement pour ce faire,  sinon sur les municipalités?

Mais maintenir les élections, c’est les maintenir, elles, en campagne électorale jusqu’au 22 mars au soir. C'est perdre à la suite encore quelques jours  pour que soit procédé à l’élection des maires et de leurs adjoints, puis que soient relancées les communautés de commune et d’agglomération qui, souvent, exercent la compétence "petite enfance".  Il faudra ensuite que l’on déploie les organisations, en même temps que l’on préparera ou que l’on affinera le budget de la commune. Bref, il y aura, comme lors de chaque renouvellement beaucoup à faire avant, ou en plus, d'être en mesure localement de se préoccuper à temps plein de ce petit chaos que j'évoquais tout à l'heure.

Dans les communes de bonne taille où les services municipaux sont solides et bien rodés, comme c'est le cas à Évreux, les choses se passeront plutôt bien je n'en doute pas. Mais dans les communes où ces services sont réduits à leur plus simple expression et où les maires et conseillers municipaux, qui pour certains découvriront la fonction, seront très concrètement en première ligne sur tous les fronts, ce sera moins facile …

Je suis convaincu que tous l'assumeront et que tous donneront le meilleur d'eux-mêmes. Être élu local relève souvent, tu le sais bien ma chère Élise, d'un sacerdoce laïc. Mais n’aurait-il pas été préférable tout de même, et surtout bien plus efficace, de prolonger les mandats en cours jusqu’au bout de l’épidémie et de reporter l’élection à dans quelques mois?

Pour ma part je crois que oui, sauf si cette crise sanitaire qui pointe à l’horizon n’était qu’un fantasme, comme le prétendent quelques bravaches… Mais comment ce fantasme serait-il alors partagé par tant de pays !

En tout cas j’irai pour ma part présider mon bureau de vote dès dimanche matin … Et je porterai un masque 😉

Bien à toi

 

 

 

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