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Au coeur du conseil municipal

Ma chère Elise,

 

Je ferai un saut ce soir au conseil municipal. Peut-être même y resterai-je jusqu’à la fin, comme cela m’arrive encore de temps à autre. 

Il ne s’agit pas de nostalgie. Ni celle du pupitre étriqué sur lequel j’ai peiné à étaler mes dossiers durant près de vingt ans, ni celle de quelques belles envolées oratoires dont j’ai gardé le souvenir. Nul besoin en effet, pour me replonger dans la vie locale, de retrouver cette ambiance très particulière de la salle du conseil à Evreux, son parfum désuet où ne manque guère que l’odeur de la poussière de craie pour suggérer une salle de classe au cœur du siècle dernier. A moins que ce ne soit aussi le bois des pupitres qui me l’évoque, ou le raclement des chaises, ou le regard de quelques-uns qui s’évaderaient volontiers par-delà les fenêtres, goûter la tiédeur du soir, loin de débats dans lesquels ils préfèrent que d’autres qu’eux, bons élèves prolifiques ou cancres prolixes, donnent la réplique.

J’y ferai un saut parce que, bien qu’en retrait désormais de l’action politique locale, je continue de m'intéresser à ma ville, au-delà de mon jardin. Et comme la municipalité a supprimé la retransmission des débats sur le Net, il n’est plus d’autre choix.

C’était pourtant bien commode de les suivre de ma cuisine ou de mon salon, à Evreux, à Villers ou ailleurs. Il m’est même arrivé une fois d’en regarder quelques moments lors d’un séjour en Italie.

Mais il paraît que cela coûtait cher et n’avait que peu d’audience. Mille euros la séance m’a-t-on dit. Dix mille euros pour l’année, grosso modo.

Un peu cher j’en conviens, et d’autant plus dans le cadre de budgets de plus en plus contraints qui obligent à concentrer la dépense sur l’essentiel. Mais la démocratie locale ne fait-elle pas précisément partie de l’essentiel ? Et l’accès des citoyens à l’intégralité des débats au fur et à mesure qu’ils se tiennent n’en est-il pas un outil des plus pertinents ?  Qu’ils en usent ou qu’ils n’en usent pas, le simple fait qu’ils aient la possibilité d’en exercer le droit contribue à leur garantir, me semble-t-il, que l’assemblée qui délibère est bien celle de leurs représentants, qu’elle est enracinée dans la cité, et qu’il ne s’agit pas d’un troupeau silencieux et docile aux ordres de quelques beaux parleurs de métier.

Bien sûr, ce droit existait bien avant internet et c’est lui qui m’autorise à me mêler ce soir à la vingtaine de personnes qui assisteront au conseil. Mais il demeure très limité dans l'espace, même si l’on installe quelques chaises et un écran dans la salle des mariages.  Et puisque Internet permet des diffusions bien plus larges, illimitées même, pourquoi s’en être privé ? Pourquoi, si l'audience a paru insuffisante, ne pas en avoir fait la promotion plutôt que les supprimer ? Pourquoi n’avoir pas tenté de susciter par exemple des regroupements dans les maisons de quartier ou en d'autres lieux ?

Evidemment, une diffusion très large suppose aussi une qualité de débat qui s’adressera au citoyen et non plus à un adversaire du groupe municipal en face que l'on finit par considérer comme un ennemi, une qualité de débat qui préfère la pédagogie à l’invective, qui respecte l’autre et ne déforme pas sans cesse son propos.  Une qualité de débat qui puisse réconcilier nos concitoyens avec leurs représentants et avec le vote dont l'audience est en berne elle aussi.

Mais voilà que je m’emballe ma chère Elise. Voilà que je crains que le rapport audience/prix calamiteux des diffusions vidéo de conseils ne les ait définitivement condamnées. Alors que peut-être ne sont-elles finalement que suspendues, le temps que l’on ait trié et soigneusement rangé toutes les invectives pour ne garder que des arguments solides et des questionnements. 

Voilà qui nous ferait une belle ambiance. Prévaudra-t-elle ce soir ?

Je ne manquerai pas de te le dire.

Bien à toi

 

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