29 Septembre 2023
Ma chère Elise,
Deux-mille-cinq-cents cette année. Ils seraient plus de deux-mille-cinq-cents morts, noyés. Presque deux fois le Titanic, mais dans les eaux tièdes de la méditerranée et sans qu’il soit besoin d’iceberg pour être fracassé.
Deux-mille-cinq-cents passagers de troisième classe, et qui ne possédaient plus que leurs rêves et quelques pièces pour payer le passage sur la barque de Charon.
Presque deux fois le Titanic, mais sans Rose ni Jack, ni Céline Dion, ni les couleurs somptueuses d’une tragédie cinématographique.
Deux-mille-cinq-cents tragédies microscopiques, tellement petites qu’elles n’ont pas de visages.
Sauf peut être quand, sur un rivage, un corps d’enfant … qui, du rivage aux premières pages, vient élargir pour un instant les frontières du coeur que veut ouvrir en grand le pape François.
Que dire ma chère Elise ?
Répéter à l’envi que l’occident ne peut accueillir toute la misère du monde? Qu'il y a toujours eu des riches et des pauvres et que l'un ne va pas sans l'autre?
Que faire ma chère Elise ?
Rendre invivables, au nom d’une croissance fructueuse, je veux dire rémunératrice, de plus en plus de bouts de planète, et empêcher ceux qui y vivent encore de traverser ? S’entourer pour cela de murs et de barbelés?
Que rêver ma chère Elise ?
Peut-être de vivre une vie qu’émailleront des petits bonheurs simples, sans qu’il soit besoin des ors, des cristaux, des cuirs et du vieux brandy que l’on déguste dans les premières classes, sur le Titanic.
Peut-être de s’extasier devant les couleurs de l’automne et pouvoir se dire que nos arrière-petits-enfants pourront les contempler à leur tour.
Vivre cette vie dont tous ces sans-visages que la mer a noyés auront probablement rêvé, comme l'ont rêvé un jour tous ceux qui, dans nos villes et nos campagnes, en sont réduits à un quotidien de galères et ne se voient plus d’horizon.
Bien à toi