12 Septembre 2023
Ma chère Elise,
Avec qui d’autre que toi parler de Neruda. Tu te souviens, ce collège que l’on avait fermé dans le quartier de La Madeleine il y a cinq ans, drapant de tout un tas de prétextes une décision qui, je le crains pourtant, ne répondait qu’à des impératifs budgétaires. On voulait fermer un collège et c’était tellement plus commode de le fermer dans un quartier populaire et où foisonne la jeunesse.
Aujourd’hui, ce sont les navettes qui offraient aux élèves du secteur une liaison directe avec les collèges où on les avait transférés que l’on supprime.
“ …Dans un souci d’égalité, les élèves du quartier de La Madeleine doivent désormais s’acquitter du coût des transports scolaires comme tous les collégiens de l’Eure , nous dit une responsable du Conseil Départemental…” Une autre nous parle d’équité.
Un bel habillage pour une décision qui révolte les parents des enfants concernés.
Etait-il équitable de supprimer un collège de quartier et d’en disséminer les élèves dans des établissements plus éloignés?
Si, comme je le crains, la décision était d’abord budgétaire, ces jeunes ont déjà payé le prix fort.
On leur a en effet imposé des temps de transports là où ils n’en avaient pas. Et, en supprimant aujourd’hui les navettes directes, on en rallonge encore la durée.
On a pris de surcroît le risque que se rompe le lien entre l’école et les familles. Tu te souviens peut-être de cet article que j’avais rédigé dans l’euphorie d’un après-débat du festival du film d’éducation. C’était au moment où commençait de se concrétiser la fermeture du collège.
Mais il paraît que l’on faisait tout cela pour leur bien, pour que viennent soutenir leur scolarité les bienfaits de la mixité sociale.
Y croyaient-ils vraiment ces décideurs qui les vantaient ? Etaient-ils vraiment certains qu’il suffisait d’obliger le déplacement des enfants de La Madeleine dans des collèges de centre ville, ou de quartiers plus éloignés, pour renforcer leurs chances de réussite ?
Moi je ne suis convaincu, ni de leur foi ni de l’effet. Et moins encore à présent que l’on “normalise” leurs transports scolaires.
Mais après tout, il y a cinq ans que l’on a fermé Neruda. Plus que le temps d’une scolarité en collège. A-t-on songé à un premier bilan? A lancer par exemple des études de cohortes pour mesurer l’apport en termes de réussite scolaire de cette fameuse mixité sociale que l'on aurait améliorée?
Avait-on songé initialement d'ailleurs à définir des indicateurs de suivi pour la scolarité des ex-Neruda, dans toutes ses dimensions y compris quant à l’évolution du lien école-famille?
Avait-on songé plus largement à mesurer l’impact de la fermeture du collège sur le maillage des liens dans le quartier?
J’espère que oui, ma chère Elise.
Parce que si ce n’est pas le cas, cela ne signifierait-il pas que toutes les bonnes raisons données, de mixité et de réussite, n’étaient alors que de bien piètres excuses?
Comme le sont aujourd’hui, je le crains, les considérations d’égalité ou d’équité pour justifier la suppression des navettes directes et gratuites vers leurs collèges d’affectation pour les ex-Neruda.
Bien à toi