16 Mars 2020
Ma chère Elise,
La France est inquiète et, comme souvent dans ces circonstances, les Français deviennent irrationnels. Le dimanche ils promènent leur insouciance au soleil et le lundi les voilà stressés et qui se précipitent dans les grandes surfaces dont ils pillent les rayons pour remplir des caddies improbables.
Cela dit, je ne suis pas certain qu’à la tête de l’Etat…
Je viens de regarder et d’écouter monsieur Macron tout à l’heure, qui nous annonçait des mesures fortes, tançant les Français comme un maître d’école tançait autrefois ses élèves. Sur le fond, il n’a pas tort. Le confinement qu’il préconise est nécessaire si l’on veut ralentir un tant soit peu l’épidémie. Mais n’était-ce pas déjà nécessaire hier et pourquoi donc avoir maintenu le rendez-vous électoral de dimanche, donnant ainsi l’impression aux Français que finalement déplacements et rassemblements n’étaient pas si gênant que cela ?
D’autant que le résultat est désastreux. Moins de la moitié des électeurs ont pris le chemin des urnes. C’est le scénario que j'évoquais dans ma précédente lettre. Et il n’y a plus d’autre choix aujourd’hui que de reporter le second tour pour éviter que l’abstention coronaviraire ne gagne encore… et ne retire tout semblant de légitimité à qui serait élu dans ce contexte. Je me demande même si, au-delà du report annoncé du second tour, ce n’est pas tout le processus électoral qu’il faudra reprendre.
Pour ma part, j’en arrive à regretter d’avoir accepté de présider un bureau de vote. Pas seulement parce que cela m’aura valu quelques grincements familiaux, mais aussi parce qu'un dimanche électoral où 55% des Français ne viennent pas voter n'est pas exactement ce que j’appellerai un authentique moment d’expression démocratique. Imagine ma chère Élise que, dans le bureau que je présidais, 243 électeurs seulement se sont déplacés sur 929 qui étaient inscrits. Du coup, avec 80 voix (33% des votants), monsieur Guy et son projet ne sont portés que par 8% des habitants du quartier. On est loin d'un plébiscite.
Quant aux autres candidats, n’en parlons pas!
J’admets que dans ce bureau, on ne se bouscule généralement pas autour des urnes. Mais la participation de dimanche n’y était qu’à la moitié seulement de celle constatée aux municipales de 2014.
Cette abstention catastrophique était pourtant tellement prévisible… et même prévue par ce sondage dont je t’ai parlé et qui indiquait que 28% des Français envisageaient de ne pas aller voter par crainte du coronavirus !
Cela dit, aussi ridiculement bas qu’y ait été la participation au vote, voilà pour Evreux le résultat de ce premier tour que tu m’as demandé.
Au total, sur les 26 228 inscrits, 9747 seulement ont pris le chemin des bureaux de vote. 3949 soutiennent la liste de monsieur Guy, 2196 celle de Timour Veyri, 1402 celle de Guillaume Rouger, 821 celle de Vincent Breuil, 763 celle d’Emmanuel Camouin, 153 celle de Rachid Talbi et 148 celle de Mélanie Peyraud.
Je me suis trompé, tu le vois, lorsque je pronostiquais un second tour en quadrangulaire. Ce ne sera qu'une triangulaire. Mais finalement tant mieux puisque c’est le rassemblement National qui ne parvient pas à se qualifier.
En tout cas, que l’on se contente de reporter le second tour ou que l’on reprenne l’ensemble du processus de l’élection dans quelques mois, je ne me risquerai pas cette fois à tenter de prévoir le résultat final. En imaginant en effet que l’euphorie de la fin de l’épidémie de coronavirus ramène le niveau de participation à ce qu’il était en 2014, ce sont plus de 6 000 électeurs supplémentaires qui reprendraient le chemin des urnes à Évreux. Pour qui voteront-il ?
Bien à toi