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Des fûts bien encombrants

Le journal du CNRS est une source d'informations passionnante. On peut, soit s'y rendre régulièrement, soit y chercher occasionnellement un complément ou la confirmation d'une info que l'on aura glanée ailleurs.

En voilà une qui m'a interpellé. Une mission scientifique vient de partir à la recherche de 200000 fûts radioactifs dans les eaux internationales au large de Nantes, à bonne distance tout de même et à grande profondeur. Il s'agit de fûts immergés volontairement par plusieurs pays européens, dont la France qui a contribué pour 46000 d'entre eux, entre 1950 et 1990.

L'article se veut rassurant, et il y a de bonnes chances pour que ne s'ajoute pas de la radioactivité aux plastiques et métaux lourds que contient déjà le poisson dont je ferai mon déjeuner aujourd'hui.

Mais ce que j'y lis en filigrane me perturbe un peu tout de même. Comment en est-on arrivé à accepter que l'océan soit une poubelle pour déchets radioactifs durant quarante ans ? 

D'abord parce qu'on a longtemps considéré que les eaux internationales n'appartenant à personne, tout le monde pouvait y faire ce qu'il voulait.

Ensuite, parce qu'on on a imaginé qu'à 5000 mètres de profondeur, il n'y avait plus rien, ni vie, ni participation à quelque système environnemental que ce soit, et qu'on ne dérangerait donc personne.

Enfin, et de façon quasi empirique - j'exagère, je sais -, on est convenu qu'en noyant les déchets dans du béton et du bitume et en ne laissant aucun vide dans les fûts, on garantissait que l'amalgame demeurerait intact et inerte très longtemps.

C'est qu'il fallait bien en faire quelque chose de ces déchets "indirects", gants, outil de bureautique ou de robotique contaminés etc... Pourquoi pas les immerger bien profond, et les oublier ! On avait juré, croix de bois, croix de fer, qu'on les suivrait, qu'on se préoccuperait de leur évolution, qu'on vérifierait que les fûts ne se dégradent pas, que la radioactivité ne diffuserait pas. Mais les suivre, pour quoi faire d'ailleurs ? Les aurait-on remontés en cas de problème !

Voilà qu'on se souvient aujourd'hui de ce serment, près de deux générations plus tard.

Jusqu'alors on avait dû manquer de temps, ou d'argent, ou peut-être simplement de volonté.

Ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant ce que l'on va trouver. C'est ce que symbolise l'histoire de ces fûts "oubliés". L'habitude de faire et de voir après, celle de laisser les générations futures découvrir les dégâts. Ce n'est pas la science que j'incrimine, mais le "pas de temps, pas d'argent, pas de volonté", ou plutôt pas d'autre volonté que d'avoir la paix sociale et une réélection assurée, bref une vision politique de court terme.

Je croyais naïvement que ce qui faisait la force du politique et peut être sa noblesse, c'était sa capacité à sortir du court terme et de la satisfaction du besoin immédiat. J'ai pourtant le sentiment, lorsque j'observe les reculs actuels sur les politiques environnementales par exemple, y compris localement, que le temps politique s'accélère de plus en plus et que se réduit en même temps son champ de vision.

 

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