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Tablemots

La vieille Dame

- Vous avez fait avancer la voiture ?
Elle paraît si fragile, le dos voûté et les jambes qui dessinent l'os sous la peau.
Je la revois, moi, vêtue d'une robe aux couleurs d'antan et coiffée d'un large chapeau de paille à rubans bleus. Sa silhouette tremble dans la lumière vaporeuse d'un après midi d'été.
- Il me faut la voiture, reprend-t-elle. Il m'attend pour déjeuner.
Le grand miroir de la chambre la reflète qui s'agace et frappe le sol en saccades du bout de sa canne.
Elle est si belle auréolée de soleil sous les cascades de roses du kiosque, taillant à petits gestes précis les fleurs fanées !
Elle avance à présent, crochée au bras de sa fille, le pas glissant sur le dallage plastique du couloir où elle lit un chemin de ses yeux vides.
- Je vais peut-être l'attendre sur le perron, marmonne-t-elle.
J'imagine une longue limousine crème, la capote repliée et qui l'emmène par une allée ombragée, bordée de peupliers frémissants.
- Ce n'est pas par là !
Elle s'est arrêtée soudain, un éclair de vie dans les yeux. Puis y passent l'étonnement, le désespoir, et à nouveau ce terrible vide.
- Je t'emmène à la salle à manger maman, dit sa fille, c'est l'heure du repas.
Elle a agrippé son poignet et le serre de toute la force de sa main parcheminée.
- Il me faut la voiture Madame. Il m'attend, s'énerve-t-elle !
Mais elles approchent de cet énorme bouquet à demi fané de vieilles et de vieux assis en fauteuil ou courbés sur leurs déambulateurs. Une multitude de papillons vêtus de blouses roses ou blanches les emmène autour des tables en une longue sarabande.
- Il m'attend au bas de l'escalier, sur le coté du perron, chuchote-t-elle comme une prière.
De la sarabande elle ne voit rien, rien d'autre que des éclats d'un passé lointain.
- Viens maman, on va manger, supplie sa fille.
Mais elle ne l'entend pas.

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