15 Août 2023
Quinze août. Je ne crois plus depuis longtemps; mais je ne peux empêcher que me reviennent, sur l’horizon que fait trembler le soleil, les notes envoûtantes de ces mélopée latines qui célébraient la Vierge sur les chemins, jusqu'au milieu des prés.
Vêtu de la soutane et du surplis des enfants de choeur, je suivais le curé pas à pas, me raidissant pour me donner l’illusion d’une taille plus élancée. C’est qu’à dix ans, je n’étais pas très grand et je voulais l’être, vite, et quitter une enfance qu'encombraient les interdits.
J’avais, très tôt, lu le Grand Meaulnes et m’étais mis à rêver d’Yvonne de Galais avec tant de tendresse qu’il était impossible que je ne la rencontre pas à mon tour. Et cette tendresse se mêlait à l’étrange sentiment presque mystique qui me liait alors à la Vierge Marie.
Puis mon enfance a pris les chemins plus chaotiques de l’adolescence et ma vie ceux de la ville.
Je ne sais si l’on processionne encore dans les campagnes le jour du quinze août. Mais qu’importe.
Yvonne de Galais n’est plus et je crains qu’Augustin Meaulnes ne soit parti pour très longtemps.
Aujourd’hui, dans les canicules qui se succèdent et font trembler l’horizon, je n’entends plus rien sinon parfois une moto qui hurle au loin, effaçant pour un instant le bourdonnement de la cité.
Une dame âgée, courbée comme une pénitente, m'a pourtant ramené ce matin à des moments d'enfance. Elle allait lentement sur le trottoir, d'un pas glissant, s'agrippant d'une main aux clôtures grillagées des maisons. De l'autre, elle serrait la baguette qu'elle venait d'acheter à la boulangerie du coin.
Je me suis approché pour l'aider. Elle m'a regardé et nous nous sommes souri. Son regard me disait qu'elle n'avait pas besoin de moi, qu'elle savourait juste sa petite victoire quotidienne: Parvenir encore à sortir seule pour chercher son pain.
Etre âgée, soit, mais continuer de faire la nique à la vieillesse, encore et encore. Jusqu'à la fin peut-être.