Marché de campagne

Ma chère Elise,

Après le marché du Neubourg c’est sur celui de Conches que j’ai retrouvé Timour Veyri ce matin.

Une journée de juin aussi grise qu’hier, mais cela n’enlevait rien au plaisir de se retrouver avec quelques camarades, et d’arpenter les allées du marché. Il y a longtemps que je n’avais pas été aussi présent dans une campagne. Ma vie s’était centrée ailleurs ces dernières années, tu le sais.

Et puis cette campagne d’aujourd’hui est particulière. Jamais, depuis que je m’intéresse à la politique, l’extrême droite n’était autant montée en puissance. A force de jouer les apprentis sorciers, et de l’intégrer comme un élément de tactique électorale, on lui a permis de sortir des salons poussiéreux de quelques nostalgiques du temps où ils se croyaient les chefs du monde.

Sur les écrans, les cadres nationalistes policent leurs interventions. Mais sur les marchés, Elise, c’est une autre histoire, et le discours est beaucoup moins aseptisé.

« Les Italiens, les Polonais, les Portugais, les Espagnols … On les a accueillis. Ils sont comme nous. Mais les Arabes et les Africains … Ils ne peuvent pas s’intégrer. Eux ne sont pas comme nous ! ».

Je ne suis pas certain que, me disant cela, les trois prosélytes de « Reconquête » qui m’ont accosté n’aient pensé qu’aux différences culturelles. Je crois surtout que leur discours était teinté d’un racisme tellement ordinaire qu’ils n’en ont même plus conscience.

Il faut faire barrage à cette extrême droite. Il est impensable pour moi qu’elle puisse accéder au pouvoir. Ne fût-ce que parce que je suis moi-même petit fils de migrants et que je sais les galères qu’ont vécu mes grands-parents.

Ce n’est pourtant pas cela seulement qui me pousse à m’engager pour le Nouveau Front Populaire. C’est que j’y vois un retour de la Gauche. D’une gauche qui s’assume et qui assume enfin de ne pas être d’accord sur tout.

Et qu’on ne me parle pas d’alliance contre-nature entre le Parti Socialiste et LFI !

Il y en a eu pour me dire ce matin qu’ils voteraient bien pour une alliance PS, Verts, PC, comme avant, comme la gauche plurielle de Jospin. Mais que Mélenchon, ils ne pouvaient pas !  Il y a même un ancien camarade de route qui aurait choisi de soutenir "Horizon" plutôt qu'une alliance de gauche, à cause de Mélenchon.

Mélenchon, je n’en suis pas un fan non plus. Mais il n’est pas La France Insoumise à lui tout seul. Et puis d’ailleurs, la Gauche Plurielle Il y était. LFI n’existait pas encore, mais Mélenchon était ministre dans un gouvernement de la gauche plurielle !  

J’espère ma chère Elise, que les Français ne se laisseront pas aveugler par ceux qui, pour défendre leurs positions, renvoient dos à dos l’extrême droite et une supposée extrême gauche. Ce que rassemble en effet le Nouveau Front Populaire, ce sont des sensibilités de gauche plus ou moins radicales. Toutes se projettent dans un même avenir, dans une société plus juste, un monde plus vivable. Toutes souhaitent la rupture avec l’hypocrisie du macronisme qui, au bout de ses réformes, n’a fait que creuser comme jamais le fossé entre les riches et les pauvres, entre ce que rapporte le travail et ce que rapporte l’argent.

Quant aux modalités et au rythme du chemin qui mène à ce monde désirable, les composantes du Nouveau Front Populaire ont commencé de trouver les compromis nécessaires et elles continueront d'en trouver.

Quand on navigue face au vent, Elise, il faut bien choisir de tirer des bords plus ou moins longs, l'essentiel étant de ne pas perdre le cap.

Bien à toi