Ne jouons pas les Ponce Pilate

Ma chère Elise,

Je me rends compte que depuis que je n’ai plus de mandat, je finis par ne plus connaître grand monde du who’s who de la politique locale. J’aurais par exemple bien aimé savoir qui était Axel Braie. Cela m’agace de trouver un nom sur un bulletin de vote, sans même une photographie, sans un mot de description, comme s’il s’agissait d’un fantôme.

Je deviens trop pressé je crois. L’âge sans doute et la conscience du temps qui reste. Au fond, il me suffit d’attendre. A supposer que monsieur Bardella, vainqueur par KO de l’élection à laquelle il ne s’est d’ailleurs pas présenté, devienne premier ministre, peut-être proposerait-il un ministère à madame Levavasseur et Axel Braie troquerait alors son statut de suppléant pour celui de député.

Je crains pourtant qu’il me faille me résoudre à ne jamais savoir qui est Axel Braie.  Cela supposerait en effet que monsieur Bardella soit appelé à Matignon, ce que je ne veux pas, qu’il appelle lui-même madame Levavasseur dans son gouvernement et donc qu’elle soit élue dimanche. Ce qui serait un comble.

Car pour élire quelqu’un comme son représentant, encore faut-il savoir qui il est.

Je viens de recevoir l’enveloppe de la préfecture avec les professions de foi et les bulletins de vote. S’agissant de madame Levavasseur, c’est un vide sidéral. Aucune information la concernant, sinon son nom et sa photographie entourée de madame Le Pen et de monsieur Bardella, en un montage assez grossier d'ailleurs . Pas un mot de sa part, sur le document, pas même un « Votez pour moi. Bien chaleureusement. Katiana Levavasseur »

Monsieur Bardella occupe tout le verso en revanche et nous explique qu’il a besoin de nous. Pour ma part, je me garderai bien d'y répondre, tu le sais ma chère Elise. Cet homme a tout du bateleur sans vergogne qui débite son texte et esquive les questions. Tiens lors du débat télévisé que j’ai regardé, il promettait de ne pas faire payer l’impôt aux jeunes de moins de trente ans. On lui a demandé s’il trouvait juste qu’un trader de 29 ans qui peut se payer une jaguar ne soit pas soumis à l’impôt quand un ouvrier de 31 ans le serait. Les téléspectateurs attendent toujours la réponse.

Le plus grave, lorsque je vois le peu de place laissé à madame Levavasseur dans son document, c’est que cela correspond finalement à une mise sous tutelle de « ses » députés par monsieur Bardella. Ce n’est pas, contrairement aux habitants de la circonscription, de représentants du peuple solides et solidement implantés qu’il a besoin. Ce qu’il veut, ce sont des représentants qui le fassent accéder au pouvoir et qui ensuite se taisent, ou répètent après lui.

Je ne sais combien de candidats RN cela concerne aujourd'hui et qui se contenteront durant leur mandat, s'ils sont élus, de lui apporter ce silence docile qu’il attend. Sans doute beaucoup. Je suis sûr en revanche que ce n’est pas cela qu’attendent de leur député nos concitoyens. Eux veulent, être représentés pour de bon par un député qu’ils peuvent rencontrer, avec qui ils peuvent dialoguer et dont ils savent qu’il appuiera à Paris ou chez le préfet les grands dossiers de la circonscription.

Les Français ont massivement rejeté le macronisme en partie parce qu’ils avaient l’impression que le prince gouvernait seul, ne les écoutait pas et prétendait tout régler dans les moindres détails.

 Faire prince monsieur Bardella, en votant pour des candidats dont on sait déjà qu’ils seront sous son emprise et qu’ils demeureront silencieux, comme l’a été le plus souvent madame Levavasseur ces deux dernières années, c’est amplifier encore cette forme d’absolutisme que l’on a reproché à monsieur Macron.

 Et c’est ainsi que commencent les dictatures.

J’espère très fort, ma chère Elise, que nous y échapperons. Pour commencer, choisissons pour député dans notre circonscription Timour Veyri plutôt que le silence de madame Levavasseur.

Et surtout, ne jouons pas les Ponce Pilate. Allons massivement voter dimanche !

Bien à toi