16 Janvier 2025
Ma chère Elise,
Il y a près d’un mois que je ne t’ai pas écrit. Le temps pour monsieur Bayrou de constituer un gouvernement, de préparer le bien morne discours qu’il allait prononcer devant l’Assemblée nationale et de tenter de n’être pas censuré, ni livré au bon vouloir de l’extrême droite.
Je n’avais pas très envie d’en parler, ni de participer au petit jeu des pronostics dont je ne sais s’il passionne vraiment nos concitoyens, mais qui, petit à petit, a remplacé une grande part de l’information d’antan. Chaines d’info en continu et réseaux sociaux obligent, dont les logiques se démarquent de celle des grands journaux d’opinion.
On savait qu'aujourd'hui, monsieur Bayrou ne serait pas censuré. L’ensemble des voix de gauche n’y suffit pas, et le rassemblement national avait indiqué que, pour sa part, il ne censurerait pas cette fois.
Plus de suspens donc.
Pour tenter de garder l’attention du téléspectateur, les bookmakers des chaînes d’info ont cessé de parier sur le match de la censure pour braquer le projecteur sur le vote des élus du Parti Socialiste. Censureront, ne censureront pas ? Le Nouveau Front Populaire explosera ou n’explosera pas ?
Voilà que le vote est à présent passé, Elise, et qu’il me laisse un peu désemparé.
Je ne sais pas ce que j’aurais choisi moi-même, sous la pression de l'instant, si j’avais été en position de voter. Mais mon premier réflexe aurait sans doute été de donner la priorité à l’union de la gauche.
Lorsque j’entends en effet monsieur Bayrou et ses concessions consenties bien tardivement et du bout des lèvres, j’ai l’impression d’entendre toujours messieurs, Barnier, Macron, etc… La continuité sans changement, pour parodier un slogan de la fin des années Soixante. Et je gage que le vote du budget ne manquera pas de couleuvres que devra avaler sans broncher le groupe socialiste s’il veut rester cohérent avec son vote d’aujourd’hui.
Alors ne valait-il pas mieux plus que jamais affirmer l’unité de la Gauche, même dans ses différences, que s’affirmer Parti de gouvernement même dans l’opposition.
Ce renoncement de mon Parti me stupéfie. Il me semblait pourtant qu'il était d'accord pour rompre avec l’idéologie qui sous-tend le macronisme, parce que continuer sur le même cap ne peut qu’amplifier encore les inégalités et la colère des plus démunis. Les deux tiers des Français d'ailleurs, en ne votant pas pour les macroniens aux dernières législatives, avaient eux-aussi signifié leur volonté de rupture.
Alors, ce refus de voter la censure est-il une erreur tactique, une sorte de lassitude qui nous conduirait à nous contenter de peu en attendant que s'arrête le chaos dans lequel nous a jeté la dissolution pour le moins maladroite de monsieur Macron? Relève-t-il plutôt de la faute, d'un reniement qui serait bien plus lourd de conséquences ?
Je me garderai bien de trancher, ma chère Elise, parce que peut-être finalement est-ce moi qui n’ai rien compris aux équilibres subtils de cette partie qui se joue ... « dans l’intérêt des Français », cela va de soi !
Bien à toi