21 Novembre 2018
De dix-neuf heures à près d’une heure du matin. Six heures de débats en non-stop. Six heures de débats, mais aussi de règlements de comptes entre membres de la majorité municipale devenus frères ennemis. Ceux-là , à quelques exceptions près, ont passé plus de temps à s’écharper qu’à tenter de se faire une opinion sur le budget de la ville.
Mais était-il possible d’ailleurs d’avoir un avis sur un budget aussi peu documenté. Personne n’avait imaginé qu’aient pu être entendues les demandes de plus de transparence que nous avions été nombreux à faire lors du débat d’orientations budgétaires. Mais personne n’avait imaginé non plus que le budget qu’on nous présenterait aurait encore gagné en opacité.
C’est une lecture aride que celle d’un budget de collectivité, mais un peu de pédagogie peut tout de même le rendre presque digeste. Encore faut-il le vouloir. Manifestement, hier au soir le Maire ne le voulait pas. Et même les quelques initiés présents peinaient à se retrouver dans les arcanes de chapitres et de lignes dont le transfert de compétences à l’agglomération avait bouleversé les contenus. Manquaient de surcroit quelques annexes pourtant théoriquement obligatoires comme un point précis sur les personnels, ou encore sur les délégations diverses de services qui dérivent une part des dépenses et parfois peuvent les masquer … En tout cas, si ces annexes étaient dans le dossier qui nous a été donné, je ne les ai pas trouvées.
Enfin, et c’est sans doute le plus gênant, c’est que ni les dépenses d’investissement, ni l’endettement de la ville ne sont mis en perspective. De vision à terme, ne fût-ce qu’à un horizon de trois ou quatre ans, il n’en est aucune et je crains fort que le budget qui a été voté hier ne donne finalement qu’une image en trompe l’œil des réalités financières de la ville.
Je n'ai obtenu que des réponses évasives aux questions précises que j’ai posées, par exemple sur la réalité des 25 millions de travaux qu’avait annoncés le maire au budget primitif 2018: quelle part en a été réalisée, quelle part en reste à réaliser qui devra être financée par de l'emprunt que l'on fera dans les mois qui viennent, quelle part à l’inverse en est purement et simplement annulée.
Ce mépris pour des conseillers municipaux à qui les Ebroïciens ont demandé de les représenter revient à mépriser les Ebroïciens eux-mêmes. Et il ne faut pas s’étonner de ce que le budget primitif 2019 ne soit passé qu’à l’arraché et n’ait été voté par le conseil municipal qu’à une voix de majorité : 21 pour et 20 contre.
Evidemment, le Maire et ses fidèles, dont je ne comprends pas toujours les motivations mais dont j’admire la souplesse qui m’évoque parfois celle d’un désossé, crient à la trahison, à la manœuvre politicienne quand une presque douzaine de leurs amis d’hier se désolidarisent d’eux et votent contre leur budget. Mais n’ont-ils pas taillé les verges pour se faire battre en laissant aller le navire municipal au gré d’un vent soi-disant pragmatique mais dont personne ne sait vraiment où il mène, et s'il mène quelque part.
La baisse symbolique de la taxe foncière qui ne concerne qu’un tiers des Ebroïciens en est un des nombreux avatars. Il s’agissait nous a-t-on dit de donner de l’attractivité à la ville. Mais la baisse est si modeste qu’elle ne constituera en réalité qu’une réduction de l’augmentation et que personne ne la verra. On nous a dit aussi qu’il fallait rendre du pouvoir d’achat à ceux qui n’en avait pas. A quelques exceptions près, cette baisse ne concernera pourtant pas ceux qui, à Evreux, en manquent le plus cruellement, ceux qui par exemple vivent du minimum vieillesse ou du RSA ou d’une pension d’invalidité, ou encore les jeunes trop souvent en situation de précarité… On nous a finalement dit hier soir, sans doute à court d'arguments, que c’était une réponse aux revendications légitimes des gilets jaunes…
Moi je ne puis m’empêcher de faire un rapprochement sans conteste hasardeux, mais pourtant très parlant : Ces 28 euros en moyenne que le Maire prétend « restituer » aux 14 000 propriétaires de logements à Evreux, qu’ils y résident comme 7000 d’entre eux ou qu’ils ne fassent qu’en tirer profit comme 7000 autres qui, souvent d’ailleurs, habitent bien loin de notre cité, représentent au total 400 000 euros.
400 000 euros, c’est de cette même somme exactement que l’Etat augmente cette année la DSU (dotation de solidarité urbaine) qu’il verse à Evreux parce que notre cité fait partie des villes les plus pauvres de France. Plutôt que les utiliser pour lutter contre cette pauvreté et tenter d’en atténuer les effets, le Maire d’Evreux préfère les donner aux moins pauvres voire aux riches.
Le combat de Robin des bois à rebours en quelque sorte.