20 Novembre 2022
Ma chère Elise,
Je sors enfin d’un trop long silence. Ce n’était pas que je n’aie rien eu à dire, mais plutôt que je désespérais. Non pas de toi, mais plutôt de tout.
Il suffit en effet de se mettre à l’écoute de l’information quotidienne, d’en voir tourner les pages à une vitesse de plus en plus folle, l’une effaçant l’autre, le bon mot tenant lieu d’analyse, pour ne plus douter des comportements suicidaires d'une Humanité dont nous sommes, toi et moi, de minuscules atomes.
L’essentiel des titres sur la chaîne qui accompagne d’ordinaire mon petit déjeuner, c’étaient aujourd'hui, outre l’absence d’illuminations de noël dans certaines communes et un fait divers atroce, la clôture de la COP 27 et l’ouverture du mondial de foot au Qatar.
Ce matin, curieusement, on ne nous a pas parlé de l’Ukraine, ni de la Corée du Nord; juste un peu des Etats-Unis pour dire que monsieur Trump ne rejoindra pas Twitter et que c’était une catastrophe pour monsieur Musk, et que monsieur Biden affichait ses 80 ans, qu’il faisait son âge mais qu’il n’était pas malade.
Mais je reviens à l’essentiel, c’est à dire au mondial de foot dont j’ai appris, outre le forfait de ce pauvre monsieur Benzema à qui je souhaite un prompt rétablissement, qu’il coûtait 212 milliards d’euros, et à la COP 27 qui a fini par trouver un accord qualifié d’historique sur l’aide aux pays pauvres, où l’on meurt à cause de dérèglements climatiques provoqués par les pays les plus industrialisés, et qui, là-bas, prennent d’ores et déjà des allures de catastrophes meurtrières. Lorsqu'on n’y meurt pas des tornades, des inondations ou des coulées de boue, on y crève de chaleur et de faim.
Je crois avoir lu que l’engagement financier pour cet accord “historique” à la COP 27 était pour l'heure de 338 millions d’euros.
212 milliards d'un côté, 338 millions de l'autre.
Je suppose que, tout comme moi, ma chère Elise, tu mesures l’absurdité d’un monde où l’on dépense 212 milliards pour un spectacle dont il ne restera après le clap de fin que les quelques centièmes de degrés supplémentaires de réchauffement climatique qu’auront provoqués les débordements de CO2 de ses stades et de ses rues climatisées , cependant que l’on ne consent que 338 millions pour aider des millions de pauvres gens à survivre à ce même réchauffement climatique que l’on a alimenté à grands coups de milliards.
Je sais que la comparaison est un peu hasardeuse… Encore que ! Mais tout de même, les dépenses impressionnantes pour ce mondial au Qatar me donnent envie de reprendre, en la travestissant, la tirade fameuse de Jacques Chirac: Notre maison brûle, et nous regardons des feux d’artifices sur des stades climatisés.
Bien à toi
PS Je t’offre en illustration à cette lettre l’image d’un paysage apaisé. Pourvu que cela dure !