28 Août 2024
Ma chère Elise,
Ainsi donc, du haut de la toute-puissance présidentielle que lui confère une constitution à l’esprit faussé par l’introduction du quinquennat, monsieur Macron refuse d’adouber madame Castets comme première ministre.
Il a espéré un temps pouvoir passer un contrat de gouvernement avec la droite, ou encore débaucher un nombre suffisant d’élus des droites et des gauches dites modérées, mais il n’y est pas parvenu. Est-ce par prudence, dans la perspective d’une possible nouvelle élection dans quelques mois, que ceux qu’il a tenté de forcer ont décliné l’offre ? Ou est-ce par conviction, ou parce que commencent déjà les grandes manœuvres pour la Présidentielle de 2027 ? Sans doute y a-t-il un peu des trois.
En tout cas, faute d’avoir trouvé une majorité, monsieur Macron s’orienterait vers un "gouvernement technique".
Je précise tout de même, ma chère Elise, que ce n’était pas vraiment son rôle que de trouver cette majorité. C’est le rôle qu’aurait dû d’abord tenir la personne à qui il aurait demandé de composer un gouvernement et qui aurait ensuite prononcé son discours de politique générale devant l’ensemble des députés.
C’est le rôle qu’aurait pu/dû tenir madame Castets.
Y aurait-il eu motion de censure ? Je ne sais pas. Normalement tout devrait dépendre des équilibres dans le gouvernement qu’elle aurait composé et de la teneur de son discours, et donc des discussions qu’elle aurait menées … mais que monsieur Macron a préféré mener à la place du futur premier ministre. On n'est jamais si bien servi que par soi-même !
Je ne sais pas davantage si, dans le champ de la sémantique, le discours de présentation du chef d’un « gouvernement technique » devant l’assemblée nationale peut être qualifié de discours de « politique générale ». Et puis je me dis que cela n’a guère d’importance puisqu’il qu’il y a au moins sept ans que nous n’avons plus que des « gouvernements techniques ». Le dernier en date était celui de monsieur Attal.
Parce qu’au fond, de quoi s’agit-il ? Tout simplement d’éteindre le débat politique, celui qui pose la question de la direction où nous allons collectivement.
Lorsqu’on écoute attentivement le propos des macroniens, on n’entend guère en effet que la nécessité de gérer mieux, de réformer autant qu’il le faudra… Mais pour que rien ne change. Pour que les riches continuent de s’enrichir, et les pauvres de se taire. Ou, avec des mots qui font plus savant, pour que le capital continue de s’accroître en même temps qu’il se concentre en de moins en moins de mains, et que le prolétariat, qui n’existe plus vraiment comme tel d’ailleurs, continue de croire qu’il ne doit sa survie qu’au Capital, et un peu au gouvernement. Et que s’il fait des efforts, qu’il « traverse la rue » pour réussir à capter un peu du ruissellement de richesses cher à monsieur Macron, il sera peut-être riche à son tour. C’est une question de volonté, et l’on sait bien que l’assistanat …
Gérer mieux et réformer autant que se peut sans s’interroger sur l’ordre établi, c’est ce qu'on attend d'un « gouvernement technique ». C’est ce qu’a fait et que continue de faire le « Président technique » qu’est monsieur Macron.
Il serait fin politique, dit-on parfois, mais de la Politique, il ne connaît guère que les manœuvres.
Si l’on y regarde de près ma chère Elise, il s’est bien gardé, par exemple, de dévoiler quelque vision d’avenir que ce soit à l’élection de 2017. Il s’est alors contenté de surfer sur un « ni droite, ni gauche » qui signifiait la fin du débat politique et voulait figer l’ordre établi.
En 2022, il a de nouveau esquivé tout débat, se contentant cette fois pour être réélu, de se poser comme l'unique rempart au Rassemblement National.
Je crois que, si lui et les siens détestent tant la Gauche, celle qui ne l’a pas rallié en 2017, LFI en particulier et madame Castets, c’est parce qu’elles sont porteuses d’un débat de fond, qu’elles interrogent l’ordre établi, qu’elles veulent que les Français s’en emparent et qu’ils construisent leur avenir commun sur des bases qu’ils auraient le droit de réinventer.
De cela il ne veut pas. Et, au-delà des rodomontades où il se faisait Jeanne d’Arc chargée de bouter l’extrême droite hors de France, je crois bien que , entre cette gauche radicale, qui veut réécrire en majuscules la Politique, et le Rassemblement National, lui et ses amis considereraient qu'au fond, le moins pire serait le second.
Bien à toi