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Lettre à Elise, La valse des ralliements

Cette lettre adressée à une amie qui a quitté Évreux, mais se préoccupe toujours de la cité jolie, introduit une série que je veux consacrer, avec mon style à moi, à la campagne des municipales qui commence à gronder après une longue période de vocalises.

 

 Ma chère Elise

Tu me demandes si se retrouvent dans la campagne électorale ces différences que tu avais notées, lors des conseils municipaux, entre Timour Veyri, l’animateur de l’opposition municipale , et le maire sortant. Les deux, d’évidence mènent leur campagne dans des tonalités bien distinctes.

L’équipe de Timour Veyri rythme la sienne en déclinant l’une après l’autre les grandes thématiques d’un programme qu’elle construit au fur et à mesure de ses échanges avec les Ebroïciens. C’est une campagne solide et qui s’appuie sur l’alliance de la plupart des partis de gauche. Tu me diras que les partis ne sont plus de mise. Mais monsieur Macron nous en a longuement chanté la ritournelle, puis il a lui-même fait une volte-face et, de son mouvement, un parti qui marche à droite, toutes têtes bien alignées ou presque.

Le maire sortant, à l’inverse jalonne sa campagne de ce que j’appellerai des « trophées », ces éléments tape-à-l’œil qui concentrent les regards et leur évitent d'aller errer dans des coins d'ombre que l'on préférerait impénétrables.

Ce côté tape-à-l’œil,  il le cultive d’abord avec les éléments de bilan qu’il met en exergue et qui font la part belle à quelques réalisations de pierre et de béton qu’il a inaugurées en grande pompe avant de se déclarer officiellement candidat. Il se garde bien d’évoquer en revanche ce qui structure vraiment le territoire et se répercute sur la vie de nos concitoyens. L’organisation de l’agglomération qui s’est largement étendue en superficie et en compétences par exemple ou bien encore le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal qui jette les bases de l’agglomération de demain et dont je ne suis pas certain qu’il soit un modèle en termes de préservation de l’environnement.

Mais le tape à l’œil éclate davantage encore s’agissant des « ralliements ».  Je passe sur celui de quelques sièges vermoulus qui ont meublé la salle du conseil au siècle dernier ou qui, restés en périphérie se sont délecté des piques et des répliques d’antan.

Je veux parler plutôt de ceux qui font les couvertures de presse et mettent à mal quelques certitudes.

Il y a par exemple ce ralliement à la liste des Républicains du premier des socialistes aux municipales de 2008, Rachid Mammeri. Mais il ne fait finalement que rejoindre dans sa démarche Ollivier Lepinteur, son concurrent malheureux qui, après n’avoir pas réussi à réaliser son rêve d’être le candidat des socialistes,  avait opté sans attendre pour un second choix : rejoindre la liste de l’UMP portée par monsieur Nicolas. Il aura d’ailleurs ensuite divorcé d’avec monsieur Nicolas pour épouser monsieur Lefrand qu’il délaisse à son tour pour conter fleurette à monsieur Rouger, à qui il imagine sans doute un bel avenir.

Comme tu le sais, les socialistes de ce temps-là ont eu des destins parfois bien étranges. Mais à l’inverse, ceux qui sont restés et qui n’ont rejoint aucune des droites, ni la droite macronienne ni la droite des Républicains, constituent à présent un noyau solidement enraciné à gauche, en tout cas je le crois.

Plus étonnant encore, il y a le ralliement de madame Plaisance, veuve du maire qui aura durant près de cinquante ans favorisé et accompagné le développement de la ville, ce maire communiste qui savait parler à tout le monde et que beaucoup de gens appelaient affectueusement Rolland.

Le nom de « Plaisance » vaut encore à Evreux son pesant de sympathie et c’était tout de même un beau trophée pour monsieur Lefrand que le ralliement de sa veuve. Mais, pas de chance pour lui ! Un des fils de Rolland Plaisance rejoint une autre liste, la liste citoyenne de Vincent Breuil. Et il le fait savoir tant et si fort que, si la presse à scandale n’avait pas à se mettre sous la dent les querelles qui opposent la veuve et les enfants de Johnny Hallyday, elle se serait probablement passionnée pour le petit monde de feu Rolland Plaisance, un édile aussi solide et humain que l’était Peppone dans le petit monde de Don Camillo.

Je ne sais si ces adeptes du parcours sinueux laisseront une empreinte durable dans la mémoire locale. Je crains en tout cas que l’image qu’ils donnent de la politique ne continue à en détourner les citoyens, d’autant que ces ralliements qui ponctuent le début de campagne de monsieur Lefrand ne font qu’ajouter à la confusion que l’on observe à droite depuis un  moment.

C'est que monsieur Lefrand, petit chef du parti Républicain dans le département de l’Eure, est en effet assis plutôt bien inconfortablement. Même s’il fait parfois semblant, il lui faut éviter de fâcher les vrais patrons que sont Bruno Lemaire et Sébastien Lecornu qui, eux-mêmes, doivent éviter de contrarier monsieur Macron dont ils sont les ministres. Ils s’attachent donc à une « bienveillante » neutralité et ils réinventent pour l’occasion un « ni-ni », ni de bon, ni de mauvais aloi…, ni soutien clair à monsieur Lefrand qui a fait exploser sa majorité, et doit dans l’urgence recruter ses fameux ralliements, ni soutien à monsieur Rouger candidat de la République en Marche qui s’est acoquiné, lui, avec les Républicains dissidents de la majorité municipale de monsieur Lefrand. 

Pas simple tu le vois ma chère Elise. Mais chacun des acteurs de ce ballet cultive sa souplesse tous les matins, j’en suis certain. Et il apprend ainsi à maîtriser les acrobaties les plus complexes, aussi bien qu’une gymnaste des pays de l’Est à l’époque de la guerre froide. Imagine en effet que messieurs Lefrand et Rouger soient contraints de fusionner leurs listes au second tour ! Quel chahut !

Ces contorsions étonnantes qui ressemblent à celles que l’on a vues chez nombre de caciques du monde d’avant qui, pour garder leur siège s’étaient découverts  macroniens, un matin en se brossant les dents, et que l’on continue de voir aujourd’hui chez les caciques macroniens qui, pour garder leur siège ou en conquérir un, font semblant de ne pas l’être, risquent de conduire à des situations que je qualifierais de cocasses s’il ne s’agissait de l’avenir de notre ville et de la qualité de vie de ses habitants.

Décidément, je préfère et de loin la démarche de Timour Veyri qui affirme ses convictions de gauche, ne renie en rien son étiquette politique, qui rassemble dans son équipe d’autres sensibilités de gauche mais aussi des femmes et des hommes de bonne volonté, et qui rythme sa campagne, je te le disais au début de ma lettre, en déclinant l'une après l’autre les grandes thématiques du programme qu'il est en train de construire avec les Ebroiciens.

Le spectacle qu'il donne est sans doute moins cocasse que celui des contorsions de la droite mais, tu seras je le pense d’accord avec moi, c’est une démarche bien plus rassurante.

 Bien à toi

 

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