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Lettre à Elise, Déconfinement... Et l'école dans tout ça !

Ma chère Elise,

Je laisse un instant, pour t’écrire mes humeurs, les travaux d’écriture dans lesquels je me suis engagé avec délices ces jours derniers et les quelques anecdotes Ebroïciennes dont j’ai écho de temps à autre.

Je suis agacé par la polémique ou plutôt les polémiques qui se tissent, se croisent et s’entrecroisent à propos de la réouverture des écoles la semaine prochaine. Les maladresses du discours gouvernemental sont telles que j’en finis par me demander s’il ne s’agit pas de fixer le regard des Français sur ce sujet cependant que l’on préparerait l’apparition du lapin que l’on veut sortir d’un chapeau. Et je ne puis m'empêcher de parier sur sa couleur.

A quoi cela rime-t-il en effet d’ouvrir les écoles dans un contexte tellement précautionneux que l’on y passera à contrôler les distances, lavages de main, éternuements, postillons, et que sais-je encore, beaucoup plus de temps qu’à enseigner ? A quoi cela rime-t-il de ne plus faire aucun cas de l’obligation scolaire et de laisser aux familles la liberté de décider si oui ou non leur enfant se rendra à l’école, tout en affirmant que l’on ne pourra accueillir en fait, dans des conditions de sécurité sanitaire acceptables,  que la moitié des effectifs, voire moins, et qu’il faut donner la priorité aux enfants dont les parents exercent des métiers indispensables à la santé et à la bonne organisation sociale, ainsi qu’aux enfants en grande difficulté voire en déshérence scolaire ?

Cela n’a pas de sens, ou en tout cas je n’y trouve aucune cohérence.

Si l’on veut par exemple prendre réellement en compte toute la population des décrocheurs en puissance, de ces gosses que le coronavirus a contraints de travailler à distance avec un ordinateur pour quatre ou cinq et de niveaux différents, ou qui auront été contraints de travailler sans ordinateur du tout,  voire de ne pas travailler du tout, réservons alors pour un temps les écoles à ce public. Que toutes les écoles d’Evreux, se mobilisent par exemple pour les prendre en charge, sans tenir compte de leur secteur scolaire, et qu’elles leur offrent les remises à niveau en présentiel qui leur seront nécessaires. Pendant ce temps, les autres enfants continueront, eux, de bénéficier d’un enseignement à distance et à domicile. Et je sais, ma chère Elise que le nombre des enseignants de la ville, qui, pour beaucoup d'entre eux, se sont déjà donnés à fond ces dernières semaines suffira à peine pour travailler sur ces deux fronts. Mais au moins aura-t-on pris en compte des nécessités d’enseignement, au moins aura-t-on affirmé une priorité et aura-t-on tenté de la mettre en oeuvre et d’inscrire pour de bon cette phase de rescolarisation dans le parcours de formation souvent chaotique des décrocheurs en puissance.

Mais cela ne sera pas, bien entendu. Je crains en effet que la préoccupation qui préside à la réouverture des écoles ne soit en réalité pas celle là. Si le gouvernement décide de les ouvrir à partir du 11 mai, et, curieusement, d’abord pour les plus petits, c'est à dire ceux les moins à même de respecter les gestes barrières, avant d’ouvrir progressivement les collèges et probablement pas les lycées, je crains que ce ne soit en partie parce que les grands le sont assez pour se garder tout seuls quand les petits fixeraient leurs parents à la maison, empêchant de ce fait l’économie de repartir et la dépense publique de ralentir.

Ce n’est pas l’école qui va recommencer ce 11 mai, ma chère Elise. Dans l’esprit de nos décideurs, ce n'est que le déploiement d’une modalité particulière de garde d’enfants. On peut le considérer comme légitime. Je ne me prononcerai pas sur ce point, même si je pense qu’il va bien falloir progressivement redémarrer l’activité du pays, en des déclinaisons que je souhaite bien différentes de celles du monde d’avant (Tu connais, ma chère Elise, ma grande capacité à rêver),... mais le redémarrer tout de même. Et cela suppose bien entendu que les enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes.

Il faut en finir avec les discours hypocrites. Ils ne font, depuis le début de la crise,  qu’alimenter les polémiques.

Que l'on dise clairement qu’il est besoin de réquisitionner l’école et une partie de ses personnels pour mettre le pays en état de redémarrer, et qu'on ne le travestisse pas d’arguties qui se voudraient pédagogiques, ni d’arguties qui se voudraient sociales.

La vérité est un discours que les enseignants sont capables d’entendre et ils la préféreront de toutes façons à la langue de bois que leur ministre manie ces derniers temps avec une si belle aisance.  Il l'entendront, à condition bien sûr que la situation actuelle ne soit que provisoire, que l’on profite également des  circonstances exceptionnelles et de l’expérience de ces dernières semaines pour interroger de nouveau les conditions de l’enseignement et du métier d’enseignant. Ces temps de crise ont suscité en effet sur le terrain tant d'innovations et tant de bricolages géniaux qui méritent qu'on les regarde de près! 

Mais ils ne l'entendront aussi et surtout que si l’on commence, dès aujourd’hui, une concertation qui anticipe une rentrée de septembre dont on imagine bien que, compte tenu des aléas de scolarisation de cette année, elle sera très compliquée.

Bien à toi

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