Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Tablemots

Lettre à Elise, Y-a-t-il encore un conseil municipal à Evreux !

Ma chère Élise

Je n’avais pas imaginé profiter autant de mon jardin ce printemps. Au bout d’un mois de confinement, j’ai pris des habitudes différentes. Plus de longues marches dans la nature avec mon chien. Pourtant, je me lève plus tôt encore que d’ordinaire, mais mes rituels du matin ont changé. Je prends un bulletin d’information vers les six heures et demie, puis c’est un temps de lecture et d’écriture d’une à deux heures, avant les quelques exercices d’assouplissement que je m’impose. J’ai pris le temps durant ces moments d’écriture de finir et d’adresser le texte d’une nouvelle inédite à short édition. J’espère qu’elle sera publiée, même si je me dis que sa longueur, un peu en dehors de la ligne éditoriale habituelle, risque d’être sanctionnée. Mais qu’importe au fond puisque j’ai eu plaisir à l’écrire.

Mais j’ai finalement un peu honte ma chère Élise d’être presque heureux en ces temps difficiles. Je ne puis m’empêcher de songer à la promiscuité, à l’ennui et peut-être la rage, à la solitude, aux privations bien concrètes, à la faim aussi, la vraie, celle qui vous tenaille au ventre et dont souffre une partie de nos concitoyens. Tout cela, je ne le vois pas vraiment. Comment le mesurer précisément quand nos déplacements sont limités au kilomètre réglementaire. Mais je sais que cela existe, même à Évreux, surtout peut-être à Évreux où un quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et dans une précarité telle que les règles du confinement ne peuvent que dégrader encore la situation dans laquelle ils vivent.

J’aimerais avoir davantage d’informations, sur les conséquences directes de l’épidémie à Évreux, sur la mortalité en ville, dans les EHPAD, sur les tensions dans les hôpitaux, les cliniques, la médecine de ville, mais aussi sur ses conséquences indirectes, sur l’ampleur des besoins sociaux, sur les tensions dans les associations d’entraide et de secours. Je rêve de savoir le conseil municipal mobilisé et qui fasse bloc pour soutenir le plus concrètement possible tout ce qui a un besoin criant de l’être, répondre aussi à d'autres souffrances plus silencieuses. Je veux qu’il mette en chantier un budget, des actions, à la hauteur des enjeux.

 Ne nous leurrons pas en effet. Le second tour des municipales ne se tiendra pas au mois de juin. Il y aura trop d’incertitudes sanitaires encore. Et puis tout de même, n’y a-t-il pas bien plus urgent ! C’est bel et bien la municipalité et le conseil municipal actuels qui doivent faire face et qui devront accompagner également jusqu’à l’automne sans doute, et peut-être même jusqu’en mars prochain, le long processus du déconfinement qui pour les plus précaires sera aussi douloureux, voire davantage si nous n’y prenons garde, que l’aura été le confinement lui-même.

Lorsque je dis manquer d’informations, j’ai bien évidemment lu pourtant, ma chère Élise, la lettre que le maire avait adressée fin mars à tous les Ebroiciens. Il y décrivait brièvement cinq dispositifs exceptionnels de la ville d’Évreux et, curieusement, il signait en affichant, pour la première fois à ma connaissance, son titre de « Docteur », comme si cela pouvait conférer plus de légitimité encore à son propos.

Je vois également passer sur les murs Facebook de membres de la municipalité des billets, des photos et de petites vidéos qui mettent en valeur des initiatives… ou en tout cas les élus qui les rapportent. C’est ainsi que j'ai regardé sur le mur du maire un reportage de BFMTV qui consacre son engagement de médecin-maire, ou encore ses remerciements « aux artisans bouchers du centre-ville d’Évreux » qui lui « permettent, en cette période de confinement, de profiter d’un magnifique gigot d’agneau français de sept heures », photographie à l’appui, ou ses vœux de pâques, ou encore un hommage appuyé aux héros du quotidien…

Mais en guise d’informations, cela ne me suffit pas.

Il n’est nul besoin aujourd’hui de postures dont je me demande si elles ne sont pas encore, pour certaines, aux couleurs de la campagne électorale du mois dernier ou en prévision d’une campagne de second tour que d’aucuns imaginent, sans doute à tort, pouvoir commencer le mois prochain.

Ce dont il est besoin en revanche, c’est que nos institutions républicaines continuent ou se remettent rapidement à fonctionner dans le contexte de cette crise, dont il est certain qu’elle dépassera largement le temps du confinement. Ce dont il est besoin, c’est que nous commencions collectivement à anticiper la sortie de ce confinement et la remise en route de la cité, et qu’à l’intelligence d’un seul, aussi affutée soit-elle, nous préférions l’intelligence collective qui se montre toujours plus efficace dans la durée.

Le conseil municipal à Évreux ne s’est plus réuni depuis l’automne dernier, campagne électorale oblige… Encore que !  Il est après tout d’autres communes qui ont réuni le leur bien plus tard et qui ont aussi anticipé leur budget 2020.

Cela fait en tout cas plus de six mois que les conseillers d’Évreux ne disposent, sur l’action du maire, que d’informations partielles picorées çà et là. Et dans le contexte de crise où nous vivons, c'est moins acceptable que jamais. Si, comme je le crains, rien de cela ne change avant le 31 juillet, date limite pour voter le budget et présenter les comptes de 2019, cela fera près d’un an que le maire se sera octroyé les pleins-pouvoirs.

Je sais ma chère Élise qu’à situation exceptionnelle, il faut parfois des réponses exceptionnelles. C’est ainsi qu’aujourd’hui, compte tenu de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement procède par ordonnances. Mais au moins consulte-t-il. Au moins donne-t-il une information régulière. Au moins le Parlement continue-t-il d’exister, même en réunions restreintes et à distance...

A Évreux, je ne vois malheureusement rien de tel.

Bien à toi

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article