21 Mars 2019
Comme à chaque fois, la colère de notre groupe d'opposition qui a fini par quitter solennellement le conseil municipal ce lundi soir, donnera lieu à des interprétations bien différentes.
D’aucuns crient déjà à la manoeuvre politicienne, à la colère feinte et qui ne veut finalement qu’attirer les regards. En ce qui me concerne, et en ce qui concerne je le crois nombre de mes collègues, il s’agissait pourtant d’une vraie désespérance.
Désespoir de se sentir impuissant. Désespoir de voir la ville partir à contrecourant de ce en quoi on croit. Désespoir de découvrir dans les lignes du budget ce que l'on subodorait déjà, que pour financer des chantiers pharaoniques dont on peut se demander s’ils étaient si urgents, on économise sur les services à la population et on en augmente les tarifs. A croire que le maire d'Evreux ne sait pas qu’un quart des habitants de la ville vit en dessous du seuil de pauvreté et que les services publics sont leur seule richesse.
A cet égard, le budget voté en décembre à une voix de majorité n’était pas acceptable. Nous l'avions dit et redit. Il baisse la taxe foncière mais de façon tellement symbolique que ça n'en est plus qu'électoraliste. Et il doit baisser dans le même temps les crédits consacrés aux services publics et au quotidien des Ebroïciens.
Il ne faut pas se leurrer en effet. Quand on clame, comme le martèle le maire depuis cinq ans, que l'on réduit les dépenses de fonctionnement, ce n’est pas seulement dans les dépenses de chaises et de stylos pour les agents que l'on taille. C'est aussi la capacité de la médiathèque à renouveller son fonds de livres et de documents que l'on diminue. Ce sont aussi les moyens des écoles et des centres de loisir. Ce sont aussi des politiques, que le vieillissement de la population et sa paupérisation rendent nécessaires, que l'on diffère.
Ce qu'on appelle le budget de fonctionnement d'une ville, c'est tout celà, et ce sont en particulier des moyens humains, des femmes et des hommes au service de la population et qui sont des acteurs majeurs de la cohésion sociale.
Sur un autre chapitre, celui des investissements, le budget présenté en décembre avait donné lieu aussi à débat. Ce n’est pas le tout par exemple de redessiner la place de la mairie en dépensant pour cela six millions d’euros d'argent public, encore faut-il en justifier la priorité par rapport à d'autres besoins et encore faut-il être certain que les finances de la ville puissent tenir.
Et sur ce dernier point, la démonstration est loin d’être faite.
En novembre dernier, le maire a présenté au conseil municipal des informations insuffisantes. Il manquait des éléments essentiels à la bonne compréhension des perspectives budgétaires de la ville , des éléments essentiels qui puissent permettre de jauger la solidité des finances de la ville…. à tel point que le Préfet, jouant en cela son rôle, a demandé que l’ensemble de la procédure budgétaire soit recommencée.
Quatre mois après, le maire , ainsi contraint , organise un nouveau débat d'orientations budgétaires avec un rapport que ses illustrations et ses graphiques étonnants (voir mes deux derniers posts: DOB en daube) font ressembler cette fois plus à un document de propagande qu'à un document d'information. L'ensemble du rapport, qui n'hésite pas à maltraiter les chiffres pour soutenir son optimisme , n'en est pas pour autant rassurant.
Lundi, le maire soumet de nouveau un budget au vote. Mais c'est le même budget, à la virgule près, que celui de décembre. Aucune des remarques faites lors des premiers débats n'a été prise en compte. Plus grave encore, on ne nous apporte et on n'intégre à ce budget aucune des données les plus récentes. De décembre à mars, la situation financière à tout de même évolué. Le résultat de 2018 à été calculé , ou en tout cas il peut l'être sans difficulté. Ce qui reste à réaliser des dépenses engagées au titre de 2018 est désormais connu et on sait d’ores et déjà par exemple qu’il faudra emprunter 5 millions d’euros pour le couvrir. De tout celà, pas un mot.
Nous avons demandé en conseil que ces chiffres soient rendus publics et que l'on anticipe la reprise du résultat de 2018 pour corriger le budget initial. Au moins tout le monde y verrait enfin plus clair, à commencer par les Ebroiciens.
Mais le maire se braque et persiste à remettre au vote sans en changer une virgule sa copie du mois de décembre dernier. Il ne prend d'ailleurs même pas la peine, pas plus que son adjoint aux finances, d'en refaire une présentation . Pour lui c'est comme s’il ne s’était rien passé ces trois derniers mois, que pas un sou n’avait été dépensé, pas un centime emprunté… Ou en tout cas, comme si ce qui s’était passé ne concernait ni le conseil municipal, ni les Ebroïciens.
Pourquoi est-il resté aussi rigide? On en finirait presque par croire qu'il a quelque chose à cacher qui doit rester sous le boisseau jusqu'aux prochaines élections. De la politicaillerie à la papa!
J’ai dit en conseil municipal que c'était un déni de démocratie… Je le regrette finalement.
C’est en effet un bien grand mot, bien trop grand pour qualifier le maire d'Evreux. Lui attribuer un déni de démocratie supposerait qu’il ait plus de surface, plus de consistance que celle d'un petit baron partisan récemment parvenu. Ce n'est pas un déni de démocratie, ce n'est que l'expression du mépris qu'il porte à son opposition… à ses oppositions d'ailleurs.
Il est en effet de plus en plus contesté, de plus en plus nu.
Il ne restait dans la salle après notre départ, en plus de son dernier carré de fidèles, que les élus du rassemblement national et Alain Nogarède. Cet appoint pour le moins étonnant de carpes et de lapins ne lui donnait pourtant pas le quorum. Il a dû mettre fin prématurément à la séance du conseil.
Alors oui, j’étais vraiment en colère ce lundi soir quand nous nous sommes levés et que nous avons quitté la salle. J'aurais de loin préféré qu'enfin le maire accepte de mettre tous les chiffres sur la table, en toute transparence. J'aurais préféré qu'il accepte d'en débattre pour de vrai et non pas, comme il le fait trop souvent, en balayant les arguments de ses opposants au prétexte que ce ne sont que manoeuvres politiciennes. J'espérais encore, naïvement que l'on travaille pour de bon.
J’aurais alors eu le sentiment, quelle que soit l'issue des débats , d'avoir été en mesure de faire mon boulot d'élu. Mais l'obstination du maire à ne nous resservir que la soupe froide de son budget de décembre clôturait le débat avant même qu'il n'ait commencé.
À quoi bon rester alors ?