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Asile

A la différence d’autres églises, des plus grandes aux plus modestes, je ne suis jamais entré dans la nef de Notre Dame. Je ne sais pas pourquoi. J’en ai pourtant arpenté le parvis quelquefois, le regard levé vers la majesté de ses tours, émerveillé par la légèreté de la dentelle de pierre ou fasciné par des gargouilles que domptent les apôtres juchés sur son toit.

J’ai pourtant l’impression de la connaître plus que toute autre. Je l’ai imaginée, lorsque, à peine sorti de l’enfance, je dévorais Notre Dame de Paris. Je l’ai vue toute de noir et de blanc vêtue, dans le flou d’un vieux téléviseur, engloutir Quasimodo et Esmeralda au cri d'« Asile » que gronde toute la populace. Je l’ai lue dans les vers de Péguy, l’associant  à sa cousine de Chartres ou encore aux adieux de la pucelle à sa Meuse endormeuse.

Je n’ai finalement jamais eu besoin d’y entrer tant était présent en moi son symbole, tant elle me parlait d’enfance, mais surtout de ces milliers de gens qui durant près de deux siècles en avaient ajusté les pierres que d’autres, par milliers aussi, ont polies de leurs genoux. J’imaginais ces milliers d’ouvriers solidaires bâtir ce vaisseau de pierre jusqu’à en effleurer le ciel et savoir déjà qu’il traverserait les siècles. Je les imaginais, esprits rassemblés en un souffle unique accueillir et protéger Quasimodo et Esméralda…

« Asile !»

Cet asile, c’était leur sang et leur fierté qui l’avaient cimenté. Cet asile, sans doute ne l’auraient-ils pas refusé aux migrants que l’Aquarius, un autre vaisseau plus contemporain celui-là, avait arrachés au flot.

Notre Dame a brûlé hier et l’Aquarius est cloué à quai depuis quelques mois.

Il nous faut reconstruire ces deux vaisseaux. Il nous faut reconstruire ces deux symboles d’asile et de solidarité, retrouver nos racines et les projeter sur l’horizon.

Il nous faut surtout retrouver le sens de l’humanité.

 

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