8 Mars 2025
Ma chère Elise,
Décidemment, le contexte international, mais aussi sa dramatisation progressive dans le discours, celui de monsieur Macron en particulier qui croit y trouver son salut politique, finissent par me ronger l'esprit.
J'ai participé hier soir à ce que l'on nomme un logorallye sur une plateforme d’écriture. Il s'agit de rédiger un texte court en y incluant des mots plus ou moins faciles à associer.
En général, je rédige la première phrase, puis je laisse vagabonder mon esprit en une sorte d'écriture automatique et sans chercher à corriger en profondeur ce premier jet.
Les mots proposés hier étaient : bonbec, thon, magie, rafraichir, attrape-rêve. Un univers d'enfant. J'ai commencé par :"Infect le bonbec, gluant, amer et sucré à la fois..." et j'ai laissé mon esprit guider mes doigts sur le clavier jusqu'à publier ceci:
"Infect le bonbec, gluant, amer et sucré à la fois, un cauchemar qui vous colle aux dents et vous laisse un goût bizarre. Bizarre ... J'ai dit bizarre. Bizarre, c'était le mot de maman.
Elle me l'avait bien dit de ne jamais accepter un bonbon, ni un thon d'ailleurs. De qui que ce soit. Même pas du docteur "Tu comprends mon Minot, on ne sait jamais..." .
Elle était bizarre maman.
Elle mettait dans toutes les chambres des crucifix, parce qu'elle avait de la religion, mais aussi des attrape-rêves pour la magie. On ne sait jamais !
Mais la voilà qui me vient.
J'ai chaud, j'ai trop chaud et pourtant il fait froid dehors.
C'était quoi ce bonbec. Il me colle aux gencives.
J'ai mal au ventre. Ça me brûle.
On me l'avait dit qu'on revoit toujours sa maman avant de lâcher la vie. Lâcher la vie pour cette main qu'elle me tend. Une vie tranchée trop tôt.
Elle me sourit.
Qu'elle est belle ! Comme avant.
J'ai soif. J'ai mal au ventre.
Saleté de bonbec !
Lui prendre la main, courir, comme autrefois.
J'étais enfant. Nous étions écrasés par le ciel et le soleil d'août. Elle m'avait emmené sur l'herbe au bord de la rivière à l'ombre des peupliers. Elle m'y avait conté des histoires merveilleuses et, moi, fasciné, je m'étais assis, les pieds dans l'onde frémissante pour me rafraichir.
J'ai soif maman ! J'ai soif. Et toi tu t'en es allée.
Il n'y a plus que ce bonbec et mon bide ouvert et gluant comme mes gencives !
Mais qu'est-ce que je suis venu faire dans cette putain de tranchée, maman. Pourquoi ne m'y as-tu pas laissé ton crucifix ... ou un attrape-rêve ?"
Je me suis relu au matin.
Putain de guerre ! Voilà qu’elle s’insinue insidieusement dans mon inconscient.
Est-ce cela préparer les esprits ?
Et pourtant, je suis tout à fait conscient, Elise, de ce que monsieur Macron soit contraint d’en rajouter sur le risque de guerre, pour exister encore un peu comme Président. Que veux-tu, c’est tout ce qui lui reste après qu’il s’est, avec la dissolution, tiré une balle dans le pied et placardisé.
Mais en laissant, hier soir, aller mon esprit à sa guise, « bonbecs, magie, attrape-rêve, thon et rafraichir », m’ont bel et bien conduit au fond d’une tranchée
Bien à toi