6 Mars 2019
« On fait dire ce que l’on veut aux chiffres », voilà une sentence que l’on entend souvent. Il est vrai que les indicateurs chiffrés ne sont que des constructions arides qui ne disent pas grand-chose sans l'analyse ni les débats nécessaires pour, s’agissant d’un budget municipal, les mettre en perspective avec les choix politiques. Mais encore faut-il ne pas les tordre et les fausser, encore faut-il ne pas les tronquer et chercher à en faire des outils de propagande plus que des outils d’analyse.
A cet égard, nous avons malheureusement été servis lundi soir.
Rappelons d’abord que le premier rapport d’orientations budgétaires soumis au conseil municipal le 5 novembre 2018 était tellement squelettique que le Préfet a dû l’annuler, considérant que l’absence d’informations essentielles à une bonne compréhension du budget en rendait le vote caduc.
Le maire du coup, qui voulait pourtant limiter au maximum le nombre des conseils municipaux dans l’année qui précède les élections, s’est retrouvé contraint de soumettre au débat un nouveau rapport d’orientations budgétaires.
Il est beaucoup plus étoffé (60 pages au lieu de 7) et il est agrémenté de photos et de graphiques colorés. Mais les chiffres et les indicateurs qu’il met en exergue ont été soigneusement choisis et même un peu torturés pour encenser une municipalité de plus en plus fragile.
J’en prendrai aujourd'hui un exemple :
L'état de la dette , avec ce graphique superbe de couleurs
On veut y donner l’impression que le désendettement de la ville durant le mandat en cours est d’ores et déjà très significatif. 6 millions d’euros de baisse représentent tout de même 7% de l’encours.
Mais ces six millions prennent en compte l'année 2019 dont on ne sait encore rien. Ce n'est qu'au 31 décembre qu'on connaîtra la situation de l'encours de la dette.
Or il est possible et même probable qu’il reparte à la hausse. En 2019, le remboursement du capital sera en effet d’environ 7 millions. Mais on est d'ores et déjà certains qu'il faudra tirer 5 millions de nouvel emprunt uniquement pour finir de payer ce qui est engagé au titre de 2018 (ce qu’on appelle les restes à réaliser qui sont de l’ordre de 8 millions d’euros cette année). Il faudra par ailleurs sans aucun doute emprunter quelques millions supplémentaires pour couvrir les travaux programmés au titre de l'année 2019, ce que prévoit déjà le budget d'ailleurs.
On le voit, la réalité est bien plus complexe que ce que veut laisser croire ce graphique de propagande .
Mais creusons un peu plus avant le sujet. Pour que soit légitime le cocorico du maire à propos d'un désendettement de la ville dont il serait l’artisan, encore faudrait-il démarrer le graphique avec la situation de 2013, et non pas celle de 2014. En effet l’encours de dette au 31 décembre 2013 est celui qu’il a trouvé à son arrivée, alors que l'encours de 2014 est le premier dont il est pleinement responsable. Or si l’on compare la situation de l’encours au 31 décembre 2013 (80 666 000 €) à celle de 2018 qui est la dernière connue (79 684 000 €), il ne s'agit plus de 6 millions de désendettement, mais d'un million seulement depuis que le maire actuel est aux commandes.
C'est malheureusement chez lui une habitude que cette communication caricaturale, cette propagande permanente. Plus c’est gros et plus cela passe !
Le drame, c'est que cela marche avec tous ceux qui ne prennent pas la peine d'entrer dans le détail des chiffres , et qui se contentent d’une lecture rapide des graphiques. Et ils sont légions, y compris au conseil municipal. Pour eux, la situation paraitra plutôt rassurante et elle autorisera donc tous les projets, de la pétrification engagée place de la mairie à une baisse immédiate de la taxe foncière et donc des recettes de la ville.
Cet encours qui n’a finalement baissé que très peu en réalité, est en outre plus préoccupant qu'il ne l'était en 2013. Il faut en effet référer une dette au volume des recettes régulières attendues. La ville d’Evreux a transféré récemment une nouvelle part de ses compétences à l’agglomération. Cela se traduit par moins de dépenses mais aussi par moins de recettes.
Au 31 décembre 2013, l’encours de la dette qui était de 80 666 000 € représentait 96% de l’ensemble des recettes de fonctionnement de la ville.
Au 31 décembre 2018, l’encours n'est plus que de 79 684 000 € soit un million de moins mais il représente 104% de l’ensemble des recettes de fonctionnement après les derniers transferts de compétences.
Evidemment, il faut tenir compte, au delà du total des recettes, de l'épargne que peut dégager la ville. Là aussi, le rapport d'orientations budgétaires donne dans l'approximation et la propagande. Et ce sera l'objet de mon post de demain