29 Février 2020
Ma très chère Élise,
J’ai finalement accepté que mon nom apparaisse sur une des listes électorales de la cité jolie. Non pas que je renoncerais à me retirer de la vie publique. Tu sais que je considère que vingt-deux ans de mandats suffisent, et qu’il me faut laisser à d’autres porter nos rêves et tenter d’en faire des réalités. Être élu trop longtemps et chercher sans cesse des compromis, trop souvent aux limites du compromis avec soi-même d’ailleurs, finit en effet par user le rêve. Et qu’il en est besoin pourtant !
Je serai quarante-troisième de la liste de Timour Veyri et il est donc impossible qu'à ce rang je sois élu à nouveau. Je me mets bel et bien en retrait de la vie politique publique dès le 22 mars au soir, comme je l’avais annoncé. Ma présence en fin de liste ne vise en quelque sorte qu’à signer mon soutien.
Tu me connais assez et ce choix de soutenir Timour ne t’étonne pas. Tu ne m’imaginais pas je suppose, ni me taire, ni copiner avec la droite, qu’elle fasse campagne au grand jour ou qu’elle se cache sous le masque des « En même temps ». Et je ne parle pas de l’extrême droite.
J’aurais pu en revanche choisir de m’intéresser davantage à la liste de Vincent Breuil. Je partage nombre de ses positions, tu le sais. La gratuité des 14 premiers mètres cubes d’eau qu’il propose entre autres me séduit. Ce n’est pas une idée nouvelle, mais je ne crois pas, à la différence de la gratuité des transports, qu’elle ait déjà été mise en œuvre dans une agglomération de la taille de la nôtre.
Quand j’entends monsieur Guy qualifier ce projet de mensonge, je ne m’en étonne pas. J’en suis juste un peu agacé. Comme toujours il préfère, plutôt qu’argumenter, balayer d’un mot ou d’une invective le propos de celui qui n’entre pas dans le cadre rigide de sa pensée. Pour lui, l’eau n’est qu’une question de gestion… comme toute son action d’ailleurs durant son dernier mandat. Baisser le prix du m3 , c’est montrer, croit-il, que l’on est un bon gestionnaire, mais en accorder la gratuité, c’est dilapider l’argent public.
Ce qu’il ne voit pas, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de gestion, mais d’abord de politique au sens le plus noble du mot. Tout simplement parce que l’eau est vitale. Et, aussi paradoxal que cela puisse paraître en ces temps de pluie, elle devient rare. On ne peut plus, comme je le faisais enfant, boire directement l’eau du puits.
L’accumulation des pollutions liées à l’activité humaine, et souvent à des activités qui ne sont pas essentielles, loin de là, oblige à des traitements de plus en plus sophistiqués et de plus en plus coûteux. Que ceux qui tirent le plus de profit de cette activité paient plus cher pour remplir leurs piscines par exemple ne me gêne nullement, au contraire, pourvu que chacun, eux compris, dispose gratuitement des quantités nécessaires pour ce qui est vital, boire, se nourrir, faire sa toilette etc. C'est un choix politique. La gestion n'intervient là qu'en second, pour sa mise en œuvre.
Faire de la politique, c’est d’abord choisir un idéal, un rêve, puis c’est le proposer, et c’est assumer pleinement son choix. C’est ce que fait Vincent Breuil. Et c’est ce que fait aussi Timour Veyri.
Pourquoi ai-je choisi l’un plutôt que l’autre ? Sans doute déjà parce que je connais bien Timour pour travailler avec lui depuis une petite dizaine d’années. J’en ai découvert les qualités. C’est un homme, je veux dire un être humain mais est-il besoin de te le préciser, qui pense vite et bien, qui sait mobiliser aussi ses concitoyens, confronter ses idées avec les leurs et les mettre en action avec eux… C’est un homme de conviction.
On lui trouvera sans doute des défauts, comme à tout homme mais n’est-ce pas plus rassurant ma chère Élise que la froideur parfaitement lisse de quelques technocrates ou capitaines d’industrie, de quelques soi-disant pragmatiques qui ne maîtrisent au fond pas grand chose, et que l’on voit parfois sur nos écrans dérouler leurs certitudes.
Et puis Timour s’appuie sur des formations politiques et je suis de ceux qui croient encore aux vertus des partis, pourvu qu’ils acceptent d’être à nouveau, non plus des plateformes électorales, mais d’abord ces lieux de réflexion qui contribuent à la formation du citoyen, qui l’aident à changer de focale lorsqu’il le faut et qui lui donnent des outils pour agir. Bref, que l’on continue d’y modeler des utopies que nous saurons ensemble rendre viables.
Pour en revenir à l’élection municipale, on ne peut, ma chère Élise, se contenter de penser l’avenir et modeler ces utopies du seul point de vue local. Si la cité veut intervenir dans l’organisation de la santé par exemple, ou encore l’éducation des enfants, la question de l’emploi, la vie des personnes âgées … (et il faut qu'elle s'empare vraiment de ces sujets qui concernent notre quotidien) , elle ne peut le faire seule, loin de là, ni, souvent même, directement. Ces questions concernent aussi bien d’autres lieux de décision en effet, que la structure de partis politiques précisément peut permettre d’appréhender plus globalement, voire de mobiliser simultanément.
En tout cas, les partis politiques continuent de me paraître nécessaires, comme je crois aussi que le clivage Gauche/Droite que d'aucuns dénoncent aujourd'hui au nom d'un prétendu pragmatisme a plus que jamais son sens. Mais ils ont besoin de se réformer, de revenir à leur source qui est d’abord citoyenne. Voilà un bien grand débat que j'ouvre ma chère Élise, mais qui n’est pas l’objet de cette lettre. Sans doute aurons-nous l’occasion d’en reparler.
Bien à toi
Pour ceux qui préfèrent entendre que lire