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Lettre à Elise, Quelques fines tranches de campagne

Ma très chère Élise,

 

Il est des gens qui pétriront longuement de la boue sans jamais en faire de l’or. N’est pas Baudelaire qui veut. Tout au plus en tireront-ils quelque argent ou quelque autre avantage… Et encore !  Parfois ils ne brassent la fange que par habitude, comme on mâche un chewing-gum.

A Paris ces derniers jours, la campagne électorale est tombée dans les égouts. Elle s’est américanisée dit-on. J’espère que le phénomène ne se propagera pas jusqu’à notre belle province qui pour l’instant, en matière d’américanisation, est encore proche du temps d’Horace Mac Coy.  Il m’arrive d’ailleurs ma chère Élise de le relire avec délices. Et j’ai revu, il y a peu, l’adaptation qu’avait faite Jean Pierre Mocky d’Un linceul n’a pas de poches.

Cela dit, on peut craindre qu’avec cette américanisation et surtout le poids de l’internationale du libéralisme, notre République ne finisse par se renier. A s’efforcer de se comparer sans cesse aux voisins d’outre-Atlantique, ou d’autres en Europe qui déjà leur ressemblent, j’ai peur qu’elle n’en emprunte surtout les travers, ou plutôt, qu’elle ne transforme promptement en travers ce qu’elle leur emprunte.

La recette en est simple. On découpe les réalités sociales, économiques ou politiques en fines tranches que l’on soupèse, que l’on compare à leur équivalent dans d’autres pays. On décide de réformer si l’on juge que la comparaison tourne à notre désavantage … Et l’on en vient à oublier que ces réalités que l’on a saucissonnées sont le fruit d’une histoire singulière, qu’elles constituent des systèmes, et qu’en modifier un rouage sans avoir d’abord tenté de comprendre le fonctionnement de l’ensemble peut les gripper ou, à l’inverse, en provoquer l’emballement et peut-être même l’explosion.

Comparer par exemple les taux de chômage entre deux pays, sans considérer, entre autres éléments, ni le sort fait aux chômeurs, ni l’évolution de la proportion des travailleurs pauvres, n’a finalement pas grand sens. En tout cas c’est bien insuffisant pour soutenir une réforme. Ou bien faire de la création d’emploi l’alpha et l’oméga de nos organisations sociales, mais sans avoir posé la question du sens du travail des emplois qui seraient créés peut également mener à des impasses.

Pour prendre un autre exemple, aux conséquences plus locales cette fois, souviens-toi ma chère Elise qu’après avoir drastiquement contracté le temps des facteurs pour en améliorer la productivité, puis réduit leur nombre, on s’est rendu compte que l’on avait aggravé l’isolement de bien des personnes âgées. Au-delà de la distribution du courrier, les facteurs jouaient en effet un rôle social que l’on avait oublié de considérer… et de compenser. Quel est le coût global au bout du compte ?

En ces temps de campagne électorale, où l’on met les candidats au banc d’essai, le découpage des réalités municipales en tranches tout aussi fines est malheureusement de rigueur. Après qu’on leur avait demandé de décliner leurs projets en matière d’écologie par exemple,  comme je t’en parlais dans ma dernière lettre,  voilà qu’on invite cette semaine les candidats à parler des grands aménagements. J’avoue que m’inquiète l’empilement de promesses qui n’ont pas toujours de lien évident les unes avec les autres. De la part de certains candidats, elles me donnent même l’impression qu’elles tournent le dos aux bons sentiments écolos qu’ils clamaient une semaine plus tôt.

Ce n’est pas qu’ils soient inconséquents… En tout cas pas tous. Mais les interroger sur des bouts de programme empêche sans doute qu’ils puissent exprimer complètement leur vision de la ville et leurs convictions profondes et, a fortiori, qu’ils définissent clairement leurs objectifs et leurs priorités… Ne sortent de ce piège que ceux qui, comme Timour Veyri ou Vincent Breuil, affirment qu’ils ont pris le parti de construire l’avenir de la ville avec ses habitants tout au long du mandat qu’on leur confiera. Et ils se dispensent ainsi de répondre trop précisément... Ce que d'aucuns ne manqueront pas de leur reprocher.

Quant à monsieur Guy, quel que soit le questionnement, il lui est toujours difficile d’exprimer complètement vision d’avenir et convictions profondes. Avec lui, tout dépend des porteurs de projets ou des promoteurs qui se présenteront.  J’ai siégé durant près de vingt ans au conseil municipal. Lorsque monsieur Guy le présidait, je l’ai régulièrement interpellé sur l’absence de tout Programme Prévisionnel d’Investissements qui puisse donner aux Ebroïciens un peu de visibilité à moyen terme, y compris sur le plan financier. Mais lui préfère foncer dans la nuit tous feux éteints, en clamant des « Qui n’avance pas recule ».

 Je ne sais toujours pas aujourd’hui où le mène ce fameux pragmatisme qu’il nous sert en guise de vision, ou plutôt où il mène notre cité.

Mais lui-même le sait-il ?

Et à présent qu’il s’affiche en triple exemplaire, et que du soliloque il semble donc passer au dialogue avec lui-même, cela ne risque pas de s’arranger !

Bien à toi.

Si vous préférez écouter plutôt que lire

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