21 Juin 2020
Ma chère Elise,
J’ai fait un tour sur le marché du centre-ville hier matin. Il était presque redevenu normal, comme un marché d’avant, peuplé de chalands démasqués, et d’adjoints au maire en campagne tout aussi démasqués. Je me demande d’ailleurs ce qu’en aurait pensé Super-docteur Lefrand, s’il les avait accompagnés.
Enfin, lui ne pouvait pas être présent. Il n’a pas que cela à faire ! … C'est que j'ai lu son dernier tract, un quatre pages fabuleux… Je veux dire un tract qui nous conte des fables. Les mêmes fables qu'au premier tour avec par exemple, tu t'en souviens, ce merveilleux cocorico pour annoncer plein de créations d'entreprises et d'emplois durant son mandat… Et un grand silence sur le nombre équivalent d’entreprises et d’emplois qui, dans le même temps, avaient disparu. La presse s’était déjà émue au mois de mars de cette petite manipulation de chiffres qui voulait masquer le « surplace » de la ville à cet égard. Mais sans doute Super-maire Lefrand n'a-t-il pas eu le temps de la lire et encore moins de se corriger. On ne peut que lui pardonner. Il débordait d'activités ces derniers mois, ce qu’il ne manque d’ailleurs pas de nous faire savoir dans l'époustouflante troisième page de son tract.
Si tu ne l’as pas lue, ma chère Elise, tu ne peux pas mesurer cette chance inestimable que nous avons à Evreux. J’en viens à me demander comment ont pu survivre les autres communes de France, toutes celles qui n’avaient pas Super-maire Lefrand au travail « Pour vous ».
Figure-toi qu’à Evreux, nous avons pu continuer à avoir de l'eau dans nos logements, à pouvoir sortir nos poubelles sans craindre qu'elles ne débordent dans la rue. On y a même continué d’enregistrer les naissances et, ainsi, les enfants nés chez nous durant la pandémie ne seront ni clandestins, ni apatrides. Même les décès étaient enregistrés au jour le jour, n’en déplaise à cette adjointe qui, lors du dernier conseil municipal m’avait affirmé qu’on ne pouvait pas savoir combien il y en avait.
Imagine, ma chère Élise, le sort terrible qu’aurait connu notre cité si nous n’avions pas eu Super-maire Lefrand ou, pire encore, si nous avions eu dans ce rôle un Timour Veyri ou un Vincent Breuil. Nous aurions été, comme je le suppose toutes les villes de France qui ne se sont pourvues que d'un maire normal, contraints d’aller tirer notre eau directement dans l'Iton ou encore , pour éviter que la peste ne s'ajoute au covid19, de chasser au lance pierres les rats qui n'auraient pas manqué de pulluler dans les tas d'immondices accumulés durant deux mois sur les trottoirs.
Je t’avoue, ma chère Elise, que la lecture de cette troisième page du tract de monsieur Lefrand m’a dessillé les yeux.
Je croyais, moi, bien naïvement que c’étaient les éboueurs qui ramassaient les ordures, les agents du service des eaux qui réparaient les fuites, ceux du service de l’Etat Civil qui enregistraient les naissances et les décès. Mais j’apprends que c’était super-Lefrand, un super-Lefrand multitâches. Parce que tout de même, si cela avait été les agents de la ville et de l’agglomération qui aient ainsi bravé le covid19 pour faire que l’on continue à vivre à peu près normalement, monsieur Lefrand en parlerait dans son tract. Il leur rendrait hommage. Il demanderait qu’on les applaudisse. Mais pas un mot en ce sens, ni dans la troisième page, ni dans les trois autres. Super-maire Lefrand a tout fait tout seul. Tout au plus épaulé par quelques adjoints peut-être, masqués ou démasqués …
Pour ce qui est de la solidarité en revanche, le tract cite bel et bien le tissu des associations qui auront été présentes de tout leur cœur durant ces mois de crise… mais sans pour autant être très précis cette fois sur la plus-value qu’ont apportée les élus-candidats de la liste Pour Vous. La ville a fourni des tablettes à des enfants confinés pour qu’ils puissent suivre la classe, nous y dit-on… Soit, mais combien ? J’imagine ma chère Elise que s’il y en avait eu beaucoup, on n’aurait pas manqué de le clamer, comme pour les 500 000 masques… qui sont d’ailleurs arrivés bien tard comme dans toutes les villes où Super-maire Lefrand n’était pas…
Dans ce même paragraphe consacré à la solidarité, on ne s’interroge pas davantage sur les difficultés de celles et ceux qui en sont à ne plus pouvoir payer leur loyer ou leur facture d’eau, et qui doivent choisir entre les payer tout de même ou manger. Il évoque encore moins, comme l’a fait par exemple le maire de Bobigny, quelque dispositif de soutien que ce soit pour ces familles-là, nombreuses à Evreux et qui ne vivent souvent que d’intérims ou de petits boulots… Mais avec le confinement l’un et l’autre étaient devenus impossibles
Tu l’as compris, ma chère Elise, en réalité je trouve ce tract plus qu'affligeant.
J’ai peine à accepter cette politicaillerie qui fait qu’un maire prenne ainsi appui, pour se vendre électoralement, sur l’engagement, le cœur et le courage des agents du service public, sur l’engagement le cœur et le courage du monde associatif, et qu’il cherche à faire croire qu’il en est le grand horloger. Que cela manque d’élégance ! Que cela manque d’élégance de surcroît quand on sait que celui-là précisément aura passé tout son mandat à raboter le plus de postes d’agents de service public possible et à fragiliser comme jamais le tissu associatif, allant jusqu’à en éteindre quelques-uns de ses fleurons…
Mais pourquoi se gênerait-il si le costume de Super-bonimenteur pouvait lui conserver son siège ?
Alors tous aux urnes pour éviter ça !
Bien à toi