1 Avril 2025
Ah ma chère Elise,
Je viens de passer deux heures à me replonger dans l’ambiance feutrée du Conseil d’agglomération. Un peu moins que cela en réalité puisque je suis resté un moment dans le hall à échanger avec des amis que je n’avais pas vus depuis une éternité.
En fait, j’ai surtout assisté à la présentation du rapport d’observations de la chambre régionale des comptes pour les exercices 2019 et suivants.
J’avais eu la chance d’en parcourir la grosse centaine de pages, en diagonale bien entendu. Tu comprends, je ne suis plus élu depuis cinq ans et je ne pousserai pas la nostalgie jusqu’à décortiquer et interpréter le langage très policé des conseillers de la chambre.
J’étais resté néanmoins sur une impression très mitigée, sur le sentiment qu’il y avait encore bien des marges de progression, pas tant d’ailleurs sur la gestion - les services l’assurent du mieux qu’ils le peuvent- que sur l’impulsion politique. Et j’y avais retrouvé quelques remarques qu’il m’était arrivé de faire lors de mes interventions, ou que j’avais conservées en mon for intérieur, convaincu qu’il ne servait à rien de les exprimer.
Il faut croire que j’avais tort, ou que j’avais mal lu, ou lu trop rapidement.
Figure-toi que j’ai découvert que tout allait bien, à entendre en tout cas la présentation qu’en a fait le Président, celui du Conseil d’Agglo, pas celui de la Chambre Régionale des Comptes. A quelques recommandations près (cinq pour être précis) dont les services auraient déjà anticipé la régularisation, le rapport d’observation ne serait qu’un long satisfecit qui souligne la qualité du fonctionnement de l’agglomération.
A écouter de surcroît le premier contradicteur, calme, très positif, presque laudateur, j’ai songé que je me faisais sans doute un peu vieux et que je serais bien plus avisé de relire l’intégrale des Pardaillan de Michel Zevaco plutôt qu’un rapport fastidieux auquel je n’avais manifestement rien compris.
Je m’apprêtais à repartir chez moi, vérifier dans les rayons de ma bibliothèque si je possédais bien encore quelques ouvrages à ma portée, écrits en grosses lettres, au présent et en langage ordinaire, lorsque Timour Veyri est intervenu, soulignant quelques points qui ont éveillé mon attention puis m’ont rassuré sur la plasticité relativement préservée de mon cerveau.
Le rapport d’observation indique bien que, malgré l’existence d’un Schéma de Cohérence territoriale et d’un Plan Local d’Urbanisme, « l’intérêt communautaire reste à préciser et le projet communautaire à actualiser ». Des questions que j’avais évoquées, me semble-t-il, il y a dix ans lorsque l’on a d’abord parlé puis conduit à marche forcée, et sans que rien d’ailleurs n’en justifie le rythme, le mariage entre l’agglomération d’Evreux et la communauté de communes de Saint André.
Il fait état aussi de ce qu’on pourrait qualifier de démocratie interne insuffisante. Le conseil de développement, par exemple, instance consultative pourtant obligatoire, n’est toujours pas en place à la fin de l’année 2023.
« La chambre demande, par ailleurs, à EPN de transmettre les avis de la conférence des maires à l’ensemble des conseillers municipaux des communes membres ». C’est donc que l’on n’a pas jugé utile de le faire jusqu’à présent alors que c’est le B.A BA de la transparence.
Ce qui m’a le plus étonné, c’est que ces sujets relèvent de l’impulsion politique. Et je n’ai pas compris que le Président de l’agglo, qui en est le chef de l’exécutif, n’ai pas jugé utile d’en rendre compte au Conseil Communautaire.
Un autre point qu’a souligné Timour Veyri, cependant que le Président avait préféré, non pas le taire, mais le diluer dans la seconde recommandation du rapport : « adapter le plan pluriannuel d’investissement aux capacités financières structurelles d’EPN », c’est celui de l’endettement. Ce qui conduit en effet la chambre à demander ces adaptations du PPI, ainsi d’ailleurs que davantage de précisions - en particulier sur les coûts de fonctionnement à prévoir pour les nouveaux équipements que l’on projette de réaliser- c’est le constat qu’elle fait d’une trajectoire de l’endettement très nettement en hausse.
Peut-être l’opposition n’avait-elle pas tort en le dénonçant au fur et à mesure des années, même si on lui a répondu vertement à chaque fois.
Je ne vais pas, ma chère Elise t’asséner plus avant les remarques de la chambre régionale dans son rapport d’observations. Tu le liras si tu le souhaites dès qu’il sera publié.
Tout n’y est pas négatif, loin de là, mais il n’en contient pas moins des points préoccupants qu’il ne sert à rien de glisser sous le tapis comme l’a fait ce soir le Président qui marquait ainsi, soit qu’il s’en moquait, ce dont je doute, soit qu’il préférait les gérer à sa manière, à son rythme et dans un cercle restreint, continuant d’ignorer autant qu’il le peut le conseil communautaire dans sa formation plénière.
Cela dit, il faut lui accorder qu’il lui arrive de s’amender et d’étendre son cercle restreint. Pas très largement, mais tout de même ! Ne vient-il pas de s’adjoindre les services de Guillaume Rouger en tant que nouveau conseiller délégué ? Oui, ma chère Elise, tu as bien lu. Il s’agit du même Guillaume Rouger, celui que tu as connu comme chef départemental de la Macronie, l’un des opposants à monsieur Lefrand, et qui fut ce soir son contradicteur un peu laudateur, celui qui m’a donné l’envie de retourner lire l’intégrale des Pardaillan.
Apaisante la lecture des Pardaillan, où l'on sait immédiatement où sont les bons et les méchants. Mais je ne sais pas si je ne vais pas lui préférer pour un temps le spectacle du ballet des prochaines municipales qui nous promet bien des rebondissements... Un peu de suspens que diable !
Bien à toi