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Lettre à Elise, Les dangers de la laïcité, selon Driss Ettazaoui

Ma chère Elise,
Décidément il y a sur le net un lutin taquin ou un fantôme affamé qui cache ou dévore au hasard quelques-unes des productions de monsieur Lefrand et de ses proches. Il y a peu, c’est toute la vidéo du dernier conseil municipal qui disparaissait de la toile. Aujourd’hui, c’est l’entretien que Driss Ettazaoui a consenti au journal La Croix qui disparaît de sa page Facebook. Il faut dire que La Dépèche s’est émue de son propos et que quelques commentateurs commençaient à faire part de leur stupéfaction. Une chose explique peut-être l’autre
Je fais partie de ces stupéfaits.
Il faut dire, ma chère Elise, que j’aime bien Driss et qu’il y a longtemps déjà que nous nous sommes croisés. Je me souviens que lors des émeutes de 2005 il avait été blessé en portant secours à une agente municipale. Il était présent, lui, quand bien peu d’élus avaient osé monter à La Madeleine cette nuit là. Je n'en avais d’ailleurs pas croisé beaucoup lorsque, vice-président du conseil général, j’étais venu au coeur de la nuit soutenir les pompiers qui luttaient contre le brasier sur l’esplanade. Et puis il n’hésite pas à condamner les intégristes, les assassins, refusant l’idée que l’on puisse tuer au nom de l’Islam.
Mais le voilà qui s’en prend aujourd’hui à la laïcité et à ceux qui “en font un dogme et montent les français les uns contre les autres”. 
Il semble ne pas comprendre, ou peut-être ne le veut-il pas, que la laïcité est d’abord l’expression d’une liberté. Celle de croire en ce que l’on veut, en un dieu, en plusieurs dieux, en un grand tout, en un au-delà, en …    Qu’importe finalement ce que chacun croit, pourvu que cette croyance ne prétende pas se substituer aux règles du vivre ensemble telles que les définit le peuple au travers de ses représentants. 
Et ce ne ne sont pas ceux qui défendent cette position laïque qui “ montent les Français les uns contre les autres”, comme l’affirme Driss.  Ce sont ceux qui s’érigent en juges et en bourreaux au nom d’une loi qui serait plus grande que les lois de la République. Ce sont ceux qui, au nom d’une religion que peut-être ils ont mal digérée, lancent des fatwas, et ceux qui les exécutent. Ce sont les assassins qui sèment la mort sur notre territoire et ailleurs, et qui le font, qu’on le veuille ou non, au nom d’Allah.
Contrairement à ce qu’il prétend pour soutenir sa position, personne n’a jamais “ imposé à tout le monde d’être Charlie”.  Mais ce qu’impose notre République en revanche, parce qu’elle est laïque précisément,  c’est la liberté de penser et la liberté d’expression qui est , rappelons le, encadrée par la loi  (pas d’appels à la haine par exemple, ou encore pas de diffamation…) Et, sauf à imaginer que se moquer d’un dieu auquel on croit ou on ne croit pas constitue une diffamation, le blasphème ne fait pas partie des interdits. Cette liberté d’expression, on ne peut collectivement accepter qu’elle soit limitée par le lobby de telle ou telle croyance, quelle qu’elle soit. Ce serait, pour le coup, diviser le pays en autant de factions qu’il compte d’Eglises.
Je ne crois pas davantage qu’on puisse réduire la question du port du voile à une sorte de mode ou à une liberté vestimentaire comme on pourrait le lire dans le propos de Driss. Si, comme l'évoque tel ou tel reportage, il est des endroits en France où une femme ne peut circuler en paix sans être voilée, cette “mode vestimentaire” prend une dimension toute autre. Et son expression relève alors de l’intrusion de croyances dans la sphère publique, c’est à dire de l’introduction sournoise d’une  sorte de loi de fait qui s’impose là, et qui relève de tout autre chose que  de la République. C’est inacceptable. Parce si parmi  ces femmes qui vont voilées  il y en a ne fût ce qu’une seule qui ne porte le voile que sous la pression, ou juste résignée, mais sans être vraiment libre ni de ses croyances, ni de sa tenue, la République se doit de la défendre.

La lecture de cet interview de Driss Ettazaoui m’a donc stupéfié ma chère Elise, je te le disais et elle m’a dérangé aussi.  Parce qu’il la commence en précisant que ce n’est pas en tant que musulman qu’il s’exprime, mais en tant qu’élu de la République… Et,  même s’il ne le dit pas, d’une République laïque, ce qui est pour le moins paradoxal au regard de son propos.

Je l'aime plutôt bien, mais pour le coup je ne le comprends plus. En tout cas, après cette sortie qu’il vient de faire, je ne pourrais m’empêcher, si je siégeais encore à l’agglomération,  d’en utiliser le filtre pour considérer son action et ses propositions en matière de Politique de la ville, ce dont il a la charge en tant que vice-président.
Mais je gage qu’il est conscient de l’inconfort politique dans lequel ses déclarations le mettent. Et c’est sans doute pour cela qu’il a décidé de ne plus faire la promotion de son interview sur sa page facebook… A moins que ce ne soient ses colistiers, le maire en premier, qui l’aient convaincu de le faire, faute d’avoir pu le convaincre de se taire ... comme eux savent d'ailleurs si bien le faire. On ne peut pas dire en effet que, jusqu’à présent, ils aient beaucoup commenté son propos.  Et ce silence ...
Bien à toi


 

Voici le lien qui mène à l'interview de La Croix que je commente dans mon post

https

Pour qui préfère écouter que lire

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