4 Avril 2022
Ma chère Elise,
Me faut-il dire qu’il y a longtemps que je ne t’ai pas écrit publiquement? Je ne me souviens même plus de la dernière fois.
J’avais déjà rompu avec toute vie publique depuis près de deux ans, et les circonstances que tu connais m’ont enfermé ces derniers mois dans le secret de ma maison et de mes pensées.
C’est de bien loin donc que j’ai suivi une campagne électorale qui aura peiné à occuper les écrans. Et je n’en ai entendu que bien étouffés le claquement des petites phrases et le ronronnement de sondages tout aussi factices que quotidiens. Mais y a-t-il vraiment eu autre chose que des invectives, des pronostics et les commentaires en boucles qui les suivent?
J’avoue que je suis lassé de la politique, non pas de celle qui se traduit par des débats d’idées et de l’action, mais par celle qui se met en scène sur les écrans et particulièrement sur les chaînes d’information, sans cesse en quête d’audience et prêtes à tous les excès pour y parvenir. Il m’est arrivé d'y voir des candidates ou des candidats se faire littéralement maltraiter par de soi-disant journalistes plus préoccupés de leur Ego que de la qualité de l’information qu’ils étaient censés construire. Et j’en ai été écoeuré à chaque fois.
Jamais le climat d’une campagne présidentielle n’aura été de mon point de vue aussi délétère, et j’y suis attentif pourtant depuis 1965, même si ce n’est qu’en 1974 que j’ai voté pour la première fois.
On n’y aura jamais vraiment confronté des visions d’avenir, ni des programmes… ou si peu, alors que pourtant quelques-uns des candidats en sont porteurs.
D’autres en revanche ne veulent pas nous éclairer plus loin que le bout de leur mandat ou que les préoccupations du moment. Mais lorsque j’essaye de lire ce que sous-entendent leurs propositions comme idéal de vie pour notre nation et au-delà, j’en suis souvent effaré. C’est particulièrement le cas de monsieur Macron qui continue de vouloir réformer à tout crin pour que, au fond, rien ne change et que notre système continue d’enrichir les riches et de précariser les pauvres. Je ne te parlerai pas davantage de la droite, ma chère Elise. Parce que finalement, de tous ceux qui s’en proclament les représentants, monsieur Macron est sans doute le plus habile.
A gauche, il ne t’aura pas échappé que l’on s’écharpe au moins autant qu’à droite.
Sans doute nos institutions s'essoufflent-elles et il faudra bientôt les réformer en profondeur, parce qu’il commence à y avoir urgence, que les inégalités et la précarité s’accentuent et que l’accélération des changements climatiques ne peut que les accentuer encore.
Il faut répondre à l’urgence, mais il faut aussi regarder devant, loin devant et commencer de redonner un peu d’espoir et de rêve à ceux que la vie a privé d’horizon. Et si le temps du débat électoral n’y contribue pas, alors ce sera la rue qui le fera.
Au lieu de cela, on essaye aujourd’hui de nous vendre le “vote utile”. Zemmour clame qu’il est le vote utile pour la droite puisqu’il pourrait la recomposer au deuxième tour. Mélenchon qu’il l’est à gauche puisqu’il est le plus proche du second tour à gauche. Macron qu’il l’est partout puisque le voilà qui se déguise même en chef de guerre. Jadot qu’il l’est pour le climat …
Mais au fait, y aurait-il des candidats inutiles ?
Je ne crois pas qu’il faille entrer dans ce jeu et s’imaginer que l’on serait chacun un élève de Machiavel et que l’on ferait une partie de billard à trois ou quatre bandes en mettant son bulletin dans l’urne.
Une élection présidentielle ce sont des millions de citoyens à qui on demande finalement, au-delà de la personne qui l’incarne, de quel projet de société ils se sentent le plus proches. Et dans le cadre du premier tour, c’est cela que chacun doit affirmer par son vote, sans chercher à préparer un second tour sur de vagues combinaisons qu’on ne peut pas sérieusement maîtriser et qui s’appuieraient sur des sondages que leur rythme quotidien rendrait presque suspects.
Les compromis que l’on fera avec soi-même c’est pour le second tour qu’ils valent. Quand le choix se sera limité.
Pour ma part, c’est en tout cas de cette façon que j’envisage mon vote de dimanche. Je glisserai sans aucun état d’âme le bulletin d’ Anne Hidalgo dans l’urne, en sachant bien que, ce faisant, c’est pour un projet de société que je me prononce, en même temps que pour une personne que j’estime ainsi que l’équipe qui l’entoure et en laquelle j’ai confiance … D’autant plus confiance d’ailleurs que celles et ceux qui, au parti socialiste, avaient la jambe droite bien plus développée que la gauche ont depuis belle lurette rejoint Macron. Alors ceux qui restent sont dans leur grande majorité bien campés sur leurs deux jambes. Beaucoup même s’appuient plutôt sur leur jambe gauche. Et cela me va bien.
Bien à toi