Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Tablemots

Voter l'abrogation de la réforme des retraites ?/ /

Ma chère Elise,

Je ne viens pas te parler du nouveau gouvernement. A quoi bon!

Il est conforme à ce que l’on en attendait. C'est à dire à droite et, dans une large mesure, soumis au bon vouloir du Rassemblement National. Il aurait pu l’être à celui de la Gauche, si monsieur Macron avait demandé à un Bernard Cazeneuve par exemple de former un gouvernement. Cela, on ne le saura jamais puisque ce n’est pas arrivé.

Et qu’on ne me dise pas que c’est la faute de la gauche ou des seuls socialistes. Il se pourrait bien en effet que monsieur Macron ait tout simplement préféré les conditions que lui aura imposées monsieur Barnier à celles de monsieur Cazeneuve.  Après tout, il a suffisamment montré sa préférence pour la droite, et navigué toutes ces dernières années en même temps à droite et à droite, pour que je le crois plus proche d'un Barnier que d'un Cazeneuve.

C’est plutôt du Rassemblement National que j’ai envie de parler, et qui me paraît plus dangereux que jamais. Dangereux tactiquement parce qu’il devient en quelque sorte une référence, une espèce de contre-arbitre des élégances, pour autant que demeure un peu d’élégance en politique. Faut-il par exemple voter pour l’abrogation de la réforme des retraites lorsqu’on est convaincu de l’injustice de cette réforme mais que c’est le Rassemblement National qui est en position d’en proposer l’abrogation ? Philippe Brun dit qu'il voterait pour, et je vois sur les réseaux sociaux que d'aucuns le lui reprochent.

Pour ma part, je suis assez d'accord avec lui. Si l'opportunité se présente, il faut voter l’abrogation.

Mais il parait que ce n’est pas si simple, qu’il faut regarder le « coup d’après ». Voter avec le RN, c’est lui donner de la lumière. Et puis bien sûr cette réforme, la gauche veut l’abroger aussi, mais dans le cadre d’un programme d’ensemble qui prévoit des recettes. Si on l’abroge sans cela, qui sait quelle autre dépense la droite va réduire en compensation ! …

Arguties que tout cela. Une majorité des Français considère que la réforme est injuste. Et se perdre dans les méandres de la casuistique pour tenter de justifier un vote contre l'abrogation, alors que l'on est pour, ne fera que renforcer le nombre des électeurs qui adhèrent à l’imaginaire qui, pour partie, sous-tend le vote Rassemblement National.

Et il est là, le véritable danger, dans le regard que le RN porte sur notre société qui ne se diviserait qu’entre ceux qui produisent et qui ne demanderaient qu’à vivre de leur travail, et de supposés « parasites », en haut et en bas de l’échelle, qui ne chercheraient qu’à « profiter » du travail de ceux qui produisent. Et l’imaginaire désirable qui en découle d’évidence,  c’est une société où  les "producteurs " travailleraient sans être  "parasités"

 C’est en tout cas, très caricaturalement retracé, le propos de Michel Feher que j’entendais hier sur France Inter où il présentait son dernier ouvrage : « Producteurs et parasites, l’imaginaire si désirable du Rassemblement National », et que je t’invite à écouter ma chère Elise. 

Et si c’est bien cet imaginaire qui justifie pour partie l’adhésion des électeurs au Rassemblement National, cela m’inquiète alors , dans la même mesure au moins que cette notion de « parasite» se rapproche de celle qui conduisait un Pétain à exclure du corps social des populations entières que l'on qualifiait du même mot.

Je ne sais ce que sera demain ma chère Elise. Je sais en revanche ce que je ne veux pas qu'il soit. Et  je suis convaincu qu’il importe aujourd’hui que les élus expriment le plus clairement possible ce que sont leurs convictions.

Et même si la période est compliquée et qu’il soit alors parfois besoin de porter un discours complexe, le vote reste, quant à lui, binaire. On se déclare pour ou contre une mesure. Et si l’on est pour l’abrogation de la réforme des retraites, on vote en ce sens, même si on déteste le camp du rapporteur du texte.

Bien à toi

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article