10 Juin 2024
Ma chère Elise,
Le Rassemblement National a recueilli hier plus de 42% des suffrages dans mon département ! Rien de surprenant. N’avions nous pas déjà le triste privilège d’en avoir élu quatre députés sur cinq il y a deux ans.
Je crains que nous ne soyons là des précurseurs parce qu’il ne me paraît pas improbable que l’extrème droite s’empare de la majorité à l’Assemblée Nationale, et par conséquent du gouvernement. Juste avant le quatorze juillet, Elise. Tu parles d’une fête nationale !
Il y a quelques mandats présidentiels que ça pend au nez de la France, après que l’on a dénaturé la cinquième République, et que son Président s’est transformé en roitelet quinquennal qui veut réduire la pensée politique au cynisme d’un soi-disant pragmatisme.
Jamais, depuis la dernière guerre, les équilibres dans le monde n’avaient été aussi instables. Jamais les enjeux de société et le bouleversement des valeurs, dans le contexte d’une prise de conscience de dérèglements qui mettent en péril la survie de l’humanité, n’avaient été aussi prègnants.
Ces temps d’anomie demandaient que soient portés de grands projets politiques plutôt que cette succession de réformes qui n’ont visé toutes qu’à ce que rien ne change, et que les riches continuent de l’être cependant que les pauvres continuent de galérer.
De grand projet politique, le chantre du “ni gauche-ni droite" n'en aura porté aucun. Il s’est contenté, pour que survive une majorité bien technocratique et qu’il puisse mener à bien ses quelques réformes, de réduire le débat politique à “Moi ou le chaos”, sans se rendre compte qu’il soufflait ainsi sur les braises d’un feu qui finirait par l’emporter et peut être la République avec lui.
C’est particulièrement vrai pour la dernière élection présidentielle dont tout débat sérieux a été évité par un Président candidat qui n’a daigné échanger qu’avec son adversaire d’extrème droite qu’il a largement contribué à renforcer pour en faire un repoussoir et son faire valoir.
Voilà qu’aujourd’hui il recommence.
Ce n’est pas en l’occurrence qu’il dissolve l’Assemblée Nationale qui pose problème. Après tout, le peuple a parlé, et il l’a sanctionné, même s’il s’agissait d’une tout autre élection que la Présidentielle.
Mais qu’il choisisse de ne laisser que trois semaines pour que s’organisent les formations politiques, et qu’il tente ainsi de réduire, dans chaque circonscription, l’élection à un duel entre le “candidat du bien”, un macroniste ou un macron compatible, et le “candidat du mal”, relève de la manoeuvre politicienne qui veut une fois encore esquiver le débat de fond.
Tout n’est pas joué encore ma chère Elise. Et je me prends à rêver de ce “Front Populaire" qu’appellent de leurs voeux quelques uns et quelques formations dont je me sens proche. Peut-être aussi les Français, qui ont manifesté leur humeur dans une élection dont ils ne pensaient pas, à tort d’ailleurs, qu’elle touche vraiment à leur quotidien, hésiteront-ils à sauter dans un inconnu qui rappelle aux anciens de sombres histoires de l’Histoire.
Je participerai à la bataille dans la mesure de mes moyens. Mais je peine à croire au Happy_end. Je crains en effet qu’à force d’éviter la confrontation des idées et des projets, et de faire comme si les visions de Gauche et de Droite pouvaient se fondre dans le brouillard d’un soi-disant pragmatisme, on ne soit parvenu qu’à déboussoler la France.
Et qu’elle puisse en trois semaines, au delà de ce ras le bol qu’elle a exprimé dimanche, retrouver un cap digne de son Histoire … J'ai du mal à rêver jusque là
Bien à toi