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Quarante-huit heures

Ma chère Elise,

Dans quarante-huit heures j’irai rejoindre le bureau de vote où j'ai accepté d'être assesseur, après quinze jours d’une campagne très dense.  Trop dense. Imposer un tel calendrier nuit à la qualité du débat démocratique et accentue cette tendance pourtant déjà marquée à s’en tenir à la surface des choses.

Je crains par exemple qu’ils ne soient bien peu les détracteurs du Nouveau Front Populaire qui ont pris la peine de parcourir les vingt-quatre pages de son contrat de législature que je te mets en lien. Entre les quinze premiers jours de rupture qu’il propose pour répondre aux urgences, sociales en particulier, un été de travail pour amorcer les grandes bifurcations et la mise en œuvre tout au long du mandat des grandes transformations, il détaille pourtant sans fard la route qu’il se propose de parcourir avec les Français, « en lien constant avec la société mobilisée, notamment les syndicats, associations, collectifs »

« Sa cohérence globale, c’est l’application pleine et entière du programme suivant : Liberté, Egalité, Fraternité » Un retour aux sources, un retour au cap initial de la République.

J’entends ses détracteurs hurler que c’est impossible, que cela coûte un argent que l’on n’a pas, un « pognon de dingue », que les impôts vont exploser.

Au terme d’impôt, je préfère, moi, celui de contribution. Parce que c’est le sens de l’impôt que de contribuer à des dépenses communes, au financement des services publics qui servent à tous.  Pour neuf Français sur dix, cette contribution restera identique, voire elle diminuera. Elle augmentera en revanche, pour ceux qui peuvent payer. C’est une mesure de justice, ma chère Elise. La question est en effet davantage celle de la répartition de l’effort que celle de son intensité. Manuel Bompard et Olivier Faure l’ont dit clairement lors des deux débats télévisés de cette semaine.

Quand je songe aux services publics, je me souviens d’abord de mes premières années de fac à Nancy. Peut-être parce que c’est là que j’ai pris conscience de leur importance. Mes parents, enfants de l’immigration italienne et polonaise des années vingt n’avaient pas les moyens de me payer de longues études. Et il me fallait travailler pour subvenir à mes besoins. L’Université, ce n’était pas la porte à côté. Mais au moins était-elle gratuite, comme mon lycée l’avait été et l’école communale auparavant… En tout cas je n’avais à en payer ni les locaux, ni les enseignants que finançait la contribution de tous, que finançaient les impôts.

Sans cela, sans l'argent public pour financer les universités, ma vie aurait pris un cours bien différent. Je ne sais ce qu'elle aurait été, mais je ne suis pas certain que j'aurais pu aussi simplement emprunter l'ascenseur social.

C’est tout cela les services publics. C’est tout cela la dépense publique. Chaque parent qui met ses enfants à l’école, chaque personne qui doit aller à l’hôpital bénéficie de la contribution commune. Chaque personne qui fréquente un musée ou une médiathèque bénéficie de la contribution commune, même si lui est parfois demandée une contribution complémentaire. Chaque personne qui emprunte une route ou marche sur un trottoir bénéficie de la contribution commune. Chaque entreprise aussi qui utilise des infrastructures publiques …

 Et prôner le « Vivre Ensemble », vouloir une société apaisée, c’est accepter que cette contribution soit partagée et progressive, en fonction des moyens de chacun. C’est accepter qu’elle soit très modérée, voire nulle ou même négative pour ceux qui n’ont rien, et très forte à l'inverse pour ceux qui ont de très gros moyens.

On me dit souvent ma chère Elise s'agissant des grandes fortunes, que ce ne serait pas juste de les taxer parce qu'elles se sont construites au prix du travail acharné de ceux qui les ont accumulées. Et ce travail est respectable. Mais ne se sont-elles pas tout autant, si ce n’est davantage, bâties au prix du travail de milliers d’ouvriers et d’employés, au statut trop souvent précaire, et à qui ne restent que les miettes de la richesse qu’ils ont contribué à produire et, pour seul patrimoine, les services publics ?

Bien à toi.

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